Intermédiaires : leur vie sous Solvabilité 2 (Spécial Solva 2)

Les impératifs de gestion du capital, de pilotage des risques et de contrôle des sous-traitants auxquels sont soumis les organismes d’assurance induisent des changements dans le quotidien des intermédiaires de proximité. Agents généraux et courtiers en découvrent peu à peu l’ampleur.

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Intermédiaires : leur vie sous Solvabilité 2 (Spécial Solva 2)

Impossible, pour les intermédiaires, d’ignorer Solvabilité 2. Même si le nouveau régime prudentiel ne s’impose pas directement à eux, il façonne les stratégies des organismes d’assurance, créant par ricochet des remous qui se propagent au sein des réseaux de vente.

Ces effets sont directement liés aux contraintes de gestion du capital et aux actions de renforcement des fonds propres qui en découlent. Hausses de tarifs et modification des politiques de souscription en assurance dommages pour améliorer la rentabilité, réorientation de l’activité assurance vie vers des produits moins consommateurs de capital : ces mesures ont eu et continuent à avoir un impact sur l’activité des inter­médiaires et sur leurs relations avec les assurés. « Plus que jamais, la pédagogie et le formalisme seront présents dans notre relation avec les clients. Il faudra anticiper et expliquer des hausses de tarifs qui ne seront ni du fait des compagnies, ni des intermédiaires mais des institutions européennes », note Grégoire Saragoussi, agent général Allianz.

Pilotage différent des réseaux

Certaines décisions vont parfois jusqu’à changer la donne sur le plan économique. « Solvabilité 2 se fait ressentir directement sur nos rémunéra­tions. Pour baisser leurs charges et renforcer leur solvabilité, les assureurs ont tendan­ce à baisser les commissions versées sur les nouveaux produits », note Didier Boranian, dirigeant de National Courtage à Marseille. Mais les obligations qui incombent aux assureurs en termes de réserves et de maîtrise des risques, les amènent aussi à gérer leur réseau de façon différente, avec la possibilité qu’à moyen ou long terme le paysage de la distribution en soit modifié.

« Solvabilité 2 conduit les assureurs à piloter leur réseau de manière plus fine, certains préfèrent donc concentrer leurs ressources sur un nombre limité de courtiers », observe Patrick Ginet, vice-président courtage de proximité à la CSCA. Un phénomène qui se traduit, par des fermetures de codes, en cas de relations trop épiso­di­­ques ou de volumes insuffisants. « À terme, une partie des petits courtiers n’aura plus accès directement au marché et sera obligée de se tourner vers les courtiers grossistes », esti­me Patrick Ginet. Pour les courtiers de proximité se pose clairement la question de leur avenir. « Aujour­d’hui je dispose de plus de 20 codes ouverts, si demain je suis limité à 5, est-ce que je serai toujours en mesure de répondre réellement aux besoins des clients ? », s’interroge Didier Boranian.

  • 11 696 agents généraux.
    Source : Agéa
  • 3 587 courtiers dont 3 156 employant moins de 10 salariés.
    Source : Agefos-PME

La maîtrise des risques liés à l'externalisation

La question est d’autant plus cruciale, qu’avec la directive sur la distribution d’assurances (DDA), la palette d’offres proposées pourrait devenir un critère déterminant pour juger de l’indépendance d’un intermédiaire. Mais la grande nouveauté de Solvabilité 2 par rapport au précédent régime prudentiel, c’est la maîtrise des risques liés à l’externalisation. « Le fait de confier à un tiers par mandat ou par délégation la gestion de risques, tels que la souscription, l’encaissement ou la gestion de sinistres, peut relever de la sous-traitance (voir p. 30-31), même si ces actes ne sont pas précisément mentionnés dans Solvabilité 2 », observe Henri Debruyne, président du Medi. Ce flou va conduire, selon lui, les organismes d’assurance et les intermédiaires à rediscuter du périmètre des responsabilités des uns et des autres, à formaliser des relations qui ne l’étaient pas, où à reformuler des accords en vigueur. Un phénomène qui touche particulièrement les courtiers. « Les conventions de courtage ont triplé de volume et compor­tent désormais des clauses difficilement applicables par des peti­tes structures », selon Patrick Ginet. Mise en place de plan de continuité d’activité, ou encore dispositions spécifiques pour le traitement des données personnelles, sont quelques exemples de ces nouvelles obligations. Résultat : « Les délégations deviennent inaccessibles aux cabinets de petite taille tant les obligations qui y sont associées nécessitent de moyens humains et techniques », précise Patrick Ginet. À terme, ce phénomène risque d’accélé­rer la tendance à la concentration, comme en témoigne Didier Boranian : « Les exigences liées aux délégations sont telles que les courtiers de petite taille n’ont d’autre choix que d’acquérir des portefeuilles ou de s’adosser à plus gros qu’eux. À l’avenir, il me sera difficile de mainte­nir une activité qui pèse 480 000 € de chiffre d’affaires. »

Du changement pour les agents

Du côté des agents généraux aussi les lignes bougent, comme en témoigne Bernard Jeannot, président du syndicat des agents Generali. « En faisant référence à Solvabilité 2, la compagnie a décidé de formaliser les délégations dont bénéficient les agents, la gestion de sinistres en l’occurrence, et leur a demandé de prendre acte d’une convention sur ce sujet, diffusée au sein du réseau. » Cette initiative est suivie de près par Agéa, la fédération des agents généraux. Sans nommer la compagnie qui en est à l’origine, Bruno Pelissier, président adjoint, précise que ce texte « revient à considérer la gestion des sinistres effectuée par les agents généraux comme une prestation de services externe, définie dans un deuxième mandat qui s’appa­rente à un contrat de sous-traitants ». Cette initiative soulève de nombreuses questions et notamment celle de la cohabitation d’un tel texte avec ceux qui régissent les relations entre les compagnies et les agents. « Le décret de 1996 stipule que le rôle de l’agent général est de commer­cialiser les produits de sa mandante et de gérer les sinistres. Considérer la gestion de sinistres comme une prestation de services à part aurait pour conséquence de sortir cette opération du mandat et des accords contractuels qui imposent des négociations entre compagnie et syndicat », explique Bruno Pelissier. Le sujet est dans la main de la fédération et des représentants des assureurs... reste à savoir quelle lecture sera faite du dossier. Sur le terrain, les intermédiaires de proximité n’ont pas fini d’entendre parler de Solvabilité 2.

Henri Debruyne, président du MEDI (Monitoring european distribution of insurance) un observatoire de la distribution d’assurance en Europe

  • En quoi Solvabilité 2 concerne les intermédiaires ?
    La logique de gouvernance du Pilier 2 pose comme principe que les organismes d’assurance ne doivent pas perdre la maîtrise des produits qu’ils commercialisent. En conséquence, il leur revient de contrôler les pratiques commerciales à l’œuvre dans la phase de distribution des contrats qu’ils conçoivent. En ce sens, Solvabilité 2 entraîne des bouleversements dans la façon dont sont pilotés les réseaux de distribution. Et ce n’est pas fini, dans la mesure où la directive sur la distribution d’assurances qui reste à transposer va encore renforcer les principes de gouvernance et de suivi de la distribution prévus par Solvabilité 2.
  • Concrètement qu’est ce qui va changer ?
    Nous allons assister à un changement dans la nature des relations entre les organismes d’assurance et les réseaux de distribution. La sélection des intermédiaires sera plus poussée, avec une attention plus marquée à leur niveau de compétences. Les réseaux seront davantage contrôlés, d’un point de vue technique comme c’est déjà le cas aujourd’hui, mais aussi sur le plan des pratiques commerciales, avec pour conséquence, parfois, de mettre fin à des relations avec un intermédiaire, si ses pratiques posent problème.

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