Jacques Richier (Allianz France) : «Malgré l'absence de croissance, les écarts vont se recréer»
Sur un marché de l’assurance en pleine transformation, l’adoption de nouvelles méthodes de travail, l’innovation et la qualité de la gestion technique feront la différence, selon Jacques Richier, PDG d’Allianz France.
ESTELLE DURAND ET GÉRALDINE VIAL

Vous étiez dans les Alpes- Maritimes après les inondations, quelles conclusions tirez-vous sur cet événement ?
Nous avons eu à faire face à un événement climatique majeur qui se caractérise davantage par le nombre de victimes que par la charge qu’il va représenter pour les assureurs. Il y a eu 20 morts, ce n’est pas normal. Des événements d’une telle nature vont se répéter, il ne faut pas se leurrer. Il faut en tirer des leçons. Des plans de prévention ont été mis en place, des travaux lourds ont été engagés, à Antibes notamment où les dégâts ont été limités. L’enjeu maintenant c’est de passer, avec les collectivités locales, à des actions de prévention en termes de comportements, à une éducation basique aux risques.
Comment avez-vous géré cette situation et quel impact aura-t-elle sur les résultats ?
La procédure « Événement de grande ampleur » fonctionne bien. La présence des équipes d’indemnisation sur le terrain a permis de rassurer les clients. Nous assurons notamment la ville d’Antibes, des entreprises locales qui ont été touchées, et beaucoup de clients particuliers. Au total, nous accompagnons et indemnisons plus de 5 000 victimes des inondations. Par ailleurs, l’Unité mobile d’intervention, un camion Allianz équipé pour recevoir des clients sinistrés et gérer leurs sinistres, a servi de plateforme de gestion pour les agents généraux qui étaient eux-mêmes privés d’électricité et de moyens de communication. Ce qui s’est passé dans les Alpes-Maritimes coûtera entre 550 et 650 M€ à la profession. C’est une catastrophe naturelle, donc prise en charge à 50 % par les assureurs et à 50 % par la Caisse centrale de réassurance. L’impact pour Allianz France est réel. Mais nous avons un bon ratio combiné, à 95 % au premier semestre, grâce à des bons sousjacents techniques.
À l’avenir, tiendrez-vous compte de ces risques naturels dans la souscription et la tarification ?
Oui, et c’est déjà le cas aujourd’hui ; les risques naturels sont intégrés depuis longtemps dans notre tarification. Ce qui va évoluer, c’est la précision permise par les progrès du big data à travers le geocoding (affection de coordonnées géographiques à une adresse) et la gestion des risques d’accumulation par zones.
Comment se porte Allianz France, notamment en assurance vie ?
Nous avons réalisé un bon premier semestre : le résultat opérationnel s’élève à 546 M€ en hausse de 17,6 %. Et notre portefeuille est en croissance : nous avons gagné plus de 40 000 clients en six mois. En assurance de personnes, l’offre de petits contrats collectifs que nous avons lancée il y a 16 mois se développe et l’activité en assurance vie se réoriente, petit à petit, vers la prévoyance et la gestion sous mandat. Cela se traduit par une légère baisse du chiffre d’affaires en assurance vie, par une décollecte en fonds en euros et une collecte positive en unités de compte. Nous avons une lecture de l’environnement que j’appelle « triple zéro » : 0 croissance, 0 inflation, et des taux d’intérêts très bas. Cette lecture, que certains peuvent juger pessimiste, anticipe des conséquences majeures en assurance vie. De ce fait, nous avons, avant d’autres, revu notre gamme de produits, en avons supprimé certains, lancé de nouvelles offres, réduit nos coûts, et adopté une gestion actif/passif plus dynamique. Ce programme se poursuivra en 2016 voire en 2017.
Croyez-vous à l’eurocroissance ?
Oui, mais ce contrat a été conçu alors que les taux d’intérêts étaient à 3 %. Il faut l’adapter aux conditions de marché actuelles, avec plus de mutualité entre les assurés. Le nouvel entrant bénéficie, sur un fonds en euros, d’un effet de portefeuille. Pourquoi serait-il pénalisé sur l’eurocroissance, alors qu’il accepte de renoncer à sa garantie à tout instant ?
Le nouveau président du directoire d’Allianz, Oliver Bäte, travaille à un programme avec les dirigeants du groupe. Quels en sont les grands axes ?
Ce programme consiste entre autres à intégrer davantage les ressources du digital – Internet, les smartphones, les objets connectés et les nouvelles capacités de traitement des données – ; à poursuivre dans l’excellence technique, sujet majeur au sein du groupe et à optimiser l’expérience clients. Le digital a défini de nouveaux standards en termes de qualité de services. Les gens attendent des réponses immédiates, de la simplicité, de la transparence, de la personnalisation. Ces nouveaux standards sont mesurables – en nombre de clics pour réaliser un devis, en nombre de sonneries de téléphone pour avoir une réponse, en nombre de jours pour être indemnisés – et sont comparés avec ce qui se fait dans d’autres secteurs. Pour nous, en tant qu’assureur, tout l’enjeu est d’intégrer dans notre organisation un mode de fonctionnement adapté aux attentes des consommateurs.
En France, à quel stade en êtes-vous de votre transformation ?
Le plan « Innovation et confiance », lancé il y a un an, intègre ces différentes dimensions. D’où nos initiatives pour digitaliser, mais aussi favoriser le travail collaboratif et simplifier l’entreprise. D’ici à 2018, nous aurons terminé la rationalisation de nos gammes de produits et la simplification de nos outils informatiques. Nous continuons à diminuer la complexité juridique de l’entreprise et à réduire le nombre de niveaux hiérarchiques. Dans un monde qui change rapidement, pour créer de l’agilité, il faut simplifier et travailler différemment. C’est une transformation positive ! Notre plan est ambitieux : nous voulons être un influenceur. L’enjeu est de créer du mouvement, d’innover, de responsabiliser, et d’être 100 % compatible avec le monde tel qu’il est. Dans un environnement sans croissance, l’innovation et la qualité de l’exécution feront la différence. Il faut faire de la R&D, bien comprendre les nouveaux usages, s’inspirer de ce qui se fait ailleurs, s’ouvrir au monde extérieur, créer des partenariats. Bref, il faut oser.
Comment va évoluer le marché selon vous ?
Entre la mise en oeuvre de Solvabilité 2, la volatilité financière, et les nouveaux usages induits par les technologies, il devrait se passer des choses ! C’est une période enthousiasmante. On voit bouger et se déstructurer des organisations qui étaient figées depuis 120 ans. Malgré l’absence de croissance, les écarts vont se recréer. Dans ces conditions, mieux vaut être en bonne santé. Mais il peut y avoir des surprises : de nouveaux entrants peuvent apporter de nouveaux services et des solutions innovantes. Ce que nous devons éviter à tout prix, c’est d’être relégué au rang de porteurs de risques. Dans le contexte de Solvabilité 2, cela ne serait ni réjouissant, ni attractif, y compris pour nos actionnaires.
Quel impact a cette nouvelle donne dans vos recrutements ?
Si l’on excepte les profils techniques – souscription par exemple –, en 2014, nous avons surtout recruté des compétences dans le domaine du digital, de l’analyse de données et du service clients, par téléphone, Internet ou tchat. Et nous allons poursuivre dans cette voie. Qui plus est, nous comptons stabiliser la pyramide des âges autour de 52 ans à l’horizon 2020. Pour ce faire, nous nous sommes fixé une règle : 80 % des embauches doivent concerner des moins de 35 ans.
Sur Solvabilité 2, comment voyez-vous l’histoire évoluer ?
Le 1er janvier 2016, Solvabilité 2 sera là. Je ne crois pas au fantasme d’aller directement à Solvabilité 3. Je partage les positions de l’AFA sur les calibrages, et souhaite comme eux que les évolutions que nous demandons soient prises en compte : si aucune société ne fait faillite, mais que l’économie est asphyxiée, personne ne gagne. Sur le fond, on progresse dans la connaissance de nos risques. À ce titre, Solvabilité 2 est un élément de compétitivité. Cela nous pousse à tirer notre légitimité de notre gestion technique, et cela redonne du pouvoir à la partie passif du bilan, car il faudra être très bon sur la gestion de nos risques.
Concernant la représentation de la profession, quel est votre point de vue sur la construction de l’AFA et sur la place des bancassureurs ?
Il y a 18 mois, la FFSA et le Gema se parlaient à peine. Aujourd’hui, de nombreuses commissions sont mises en commun. L’AFA existe, les commissions fonctionnent. Il reste à formaliser les statuts. Ce qui importe, pour moi, dans la gouvernance de l’AFA, c’est que ses différentes composantes représentent au moins 90 % du marché, qu’elles soient d’ordre juridique ou relatives à la distribution.
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