Rapid Pare Brise : pourquoi l'assurance et les concurrents crient au scandale

Rapid Pare Brise connait un succès fulgurant dans un marché du bris de glace pourtant en berne. Mais ses pratiques commerciales suscitent la colère de ses concurrents qui l'accusent de pratique déloyale et les acteurs de l'assurance crient au scandale. Son directeur général, David Vrel, réfute tout en bloc.

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Rapid Pare Brise : pourquoi l'assurance et les concurrents crient au scandale
Les assureurs accusent Rapid'Pare Brise de faire payer sa politique commerciale agressive par les garanties d'assurance des automobilistes

En trois ans d’existence, 180 centres créés, aucun agrément d'assureurs, mais une pratique commerciale extrêmement consumériste, une jeune enseigne de réparation et de remplacement de pare-brise a réussi l’exploit de susciter l’ire généralisée des assureurs et de ses principaux concurrents. Rapid’Pare Brise défraie la chronique et l’affaire prend, depuis peu, une ampleur inquiétante. Dans un marché déjà structurellement à la baisse où les volumes chutent, chaque année, d’environ 5% pour se situer autour de 2,2 millions interventions annuelles et 900 M€ de chiffre d'affaires, Rapid’Pare Brise s’est imposé à la faveur d’un fonctionnement commercial particulièrement… offensif.

Franchise offerte et somptueux cadeaux...

En effet, l’enseigne offre aux clients le montant de la franchise dont ils auraient dû s'acquitter, ou un somptueux cadeau, telle une tablette numérique Samsung d’une valeur de 99 € TTC. Succès garanti : avec environ 40 M€ de chiffre d’affaires dégagés en 2015 et 70 nouvelles ouvertures de centres prévues en 2016, l’entreprise dirigée par David Vrel et présidée par Louis Timur figure déjà en 4e position sur le marché derrière Carglass, France Pare-Brise et Mondial Pare Brise, avec 5% de part de marché.

Des parts de marché « gagnées sur notre dos ! », s'étrangle un directeur de mutuelle. Comment ? En opérant une double facturation qui fait supporter la franchise ou l’offre promotionnelle… aux assureurs, qui deviennent malgré eux co-financeurs d’un système qu’ils réprouvent ! « Plusieurs enseignes locales et certains concessionnaires de marque remboursent déjà la franchise, en prenant sur leur marge ce geste commercial. Rapid’Pare-Brise procède autrement en ne mentionnant pas dans la première facture qui nous est envoyée, le montant des remises consenties », confie le directeur indemnisation d’une autre mutuelle d’assurance

L’enseigne effectue, en effet, un avoir sur facture à postériori. « Cela sous-tend presque une connivence entre l’enseigne et le client pour arnaquer l’assureur. Surtout, c’est nous qui supportons l’offre promotionnelle car elle n'est possible que par des tarifs pratiqués qui sont nettement supérieurs à la moyenne du marché. Donc la publicité est trompeuse, ils n’offrent pas la franchise ! Ils nous la font offrir... », ajoute-t-il.

Une incitation à la fraude ?

Certains vont plus loin. Ainsi, le responsable du réseau de prestataires d’une autre mutuelle d’assurance, s’exclame : « le client ne paye rien et repart avec une tablette. Dans ces conditions, n'êtes-vous pas tentée de briser votre pare-brise ?» Autant dire que le sujet est pris très au sérieux au sein des départements indemnisation des compagnies et des mutuelles à mesure que Rapid’Pare Brise étend son influence. Car un pare-brise, seul, coûte environ 50% plus cher à un assureur dans un centre non agréé (ndlr : 61,5% des clients refusent le réparateur conseillé par leur assureur *) et chez Rapid’Pare-Brise, la majoration serait supérieure.

«Nous avons soumis la facture à un expert indépendant de l’ANEA qui en a déterminé le coût global avec la colle, la pièce de verrerie, le tarif public local de la main d’œuvre, le recyclage des déchets etc. et l’écart tarifaire moyen atteint 60% », confie le directeur d’une mutuelle qui évoque un coût horaire de la main d’œuvre facturé 89€. « Même un concessionnaire de marque de luxe est en deça…On est donc dans l’exagération à tout crin. Le bénéfice permet à l'enseigne de faire des cadeaux et surtout de communiquer avec un budget qui avoisinerait 800 000 € par an ».

Bientôt une publicité sur TF1

Contacté par l’Argus, David Vrel, qui communiquera effectivement bientôt en prime time sur TF1, dément l’ensemble de ces accusations et se refuse à endosser le costume de tête de turc d'un marché qui est en train de changer. « Nous calculons à l’euro près au tarif constructeur via le logiciel X-Glass. Si c’est 532,40€ pour un modèle donné, nous facturerons la pièce 532,40€. Comme nous n’avons pas d’agréments, nous ne consentons évidemment pas, comme d’autres enseignes, 25% de remise sur le pare-brise et 20% de remise supplémentaire sur la main d’œuvre en échange de volumes. Concernant la main d’œuvre, en revanche, nous sommes plus chers qu’un agréé qui pratique environ 35€ de l’heure puisque nous facturons entre 65 et 90 € de l’heure, pour les mêmes raisons. De plus, un technicien spécialisé coûte 45 € de l’heure avec un salaire de 4500€ par mois, charges comprises. Je ne sais pas comment font les enseignes, étranglées par les assureurs, qui acceptent de vendre leurs prestations 22€ de l’heure…Je fais donc plus de marge unitaire sur un pare-brise et j’en rétribue une part sous forme de cadeaux aux clients ».

La loi, David Vrel jure la respecter et être en règle avec elle. La double facturation ? « Notre pratique comptable est totalement conforme à la règlementation. L’offre promotionnelle intervient postérieurement au règlement de la réparation, une fois les réparations intégralement payées, pour éviter tout contentieux. La remise figure donc bien en nos comptes, au titre d’offres promotionnelles. Aucune règle comptable n’impose de déduire la franchise de la facture ».

Un bras de fer est enclenché

Mais le bras de fer a commencé. Impossible, par exemple, de pratiquer la session de créance. David Vrel l’a testée pendant un mois dans un centre. Les assureurs font traîner les factures... Leur seul moyen d’agir. D’autres enseignes de vitrage ont carrément alerté le Conseil national des professions de l’automobile (CNPA). Xavier Horent, le délégué général de ce syndicat patronal de la distribution et des services de l'automobile, évoque dans un courrier adressé aux dirigeants de Rapid’Pare Brise le 13 avril 2016 et que l'Argus s'est procuré, la possibilité de « faire valoir les droits de la profession par tout moyen approprié, y compris la voie judiciaire (…) ces pratiques déloyales portant préjudice à l’ensemble des professionnels représentés par le CNPA ». Officiellement, le syndicat refuse de s'exprimer, arguant qu'une rencontre est programmée prochainement avec les dirigeants de l'enseigne.

Si les assureurs peuvent difficilement porter plainte car « les axes sur lesquels nous pouvons directement agir son ténus », dixit un directeur de mutuelle, certains ont toutefois déjà alerté la DGCCRF.

Vers une application stricte du principe indemnitaire pour préserver la mutualité?

Une mutuelle envisage aussi d’avoir recourt à des expertises indépendantes sur pièce et le directeur d’une compagnie affirme qu’en dernier lieu, « nous ferons valoir l’application stricte du principe indemnitaire car cette affaire relève du dévoiement du principe indemnitaire ». Auquel cas, ce que les assureurs jugeront « surfacturé » par Rapid’Pare Brise devra être acquitté par l’assuré, comme un dépassement d'honoraires. Car, à terme, si la pratique fait des émules, le coût des primes augmentera et la mutualité payera la note. « La garantie bris de glace souscrite par environ 90% des automobilistes pourrait l’être moins. Ce serait donc socialement dommageable ».

Pire, certains assureurs craignent une gangrénisation à la collision, puis à la réparation et à l'ensemble des activités dommages autos de ces pratiques inflationnistes... avec des conséquences assurantielles bien pires. « Ce serait un état cancéreux généralisé, mais nous espérons que Rapid’Pare-Brise se remette dans le marché très vite pour y vivre sereinement avec ses camarades », exprime le directeur des réseaux de prestataires d'une mutuelle. Le bras de fer est en cours…

*Etude GT Motive, 2016.

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