Start-up : ces « fab lab » de l'assurance collaborative
Alors que l'économie collaborative bouscule les règles traditionnelles, les assureurs mettent à profit leurs connexions avec les start-up pour tester de nouveaux concepts.
De la méfiance à la confiance. Sponsoring, soutien matériel et financier, partenariat assurantiel, prise de participation... En l'espace de deux ans, les assureurs ont multiplié les points de contacts avec les start-up de l'économie collaborative. Et particulièrement les mutuelles d'assurances à l'image de Maif, Macif ou encore MMA, plus enclines à entretenir une porosité entre les frontières de l'économie sociale et solidaire dont elles se réclament et celles de l'économie de partage (voir ci-contre).
Un virage à 180°
Plusieurs raisons expliquent ce virage à 180 degrés opéré par les sociétés d'assurance. Tout d'abord, elles ont sans doute pris conscience, à travers l'éclosion fulgurante de jeunes pousses du secteur, de l'amplification d'un mouvement susceptible de transformer les risques traditionnels et la matière assurable. « La dissociation entre la propriété et l'usage modifie la manière de garantir les biens. Nous serons demain appelés à assurer des moments et des usages ponctuels », interpellait récemment Pascal Demurger, directeur de la Maif. Quitte à pousser encore plus loin la logique affinitaire de l'assurance dite de « fonction » en dehors des territoires traditionnels de l'auto et de l'habitation : garantir la location de sa machine à laver, le prêt de sa télévision, de son Smartphone, de sa tablette tactile ou dans l'absolu de tout objet connecté. La seconde raison tient au fait que les sociétés d'assurance voient là une formidable opportunité d'expérimenter, dans ces laboratoires à taille humaine, de nouveaux modèles de création et de distribution de produits et services d'assurance. De façon à stocker de la connaissance et se tenir en situation de conquête lorsque ces start-up se seront muées en entreprises matures aux volumes transactionnels intéressants. Car c'est sans conteste sur la tarification et l'appréhension du risque que les assureurs sont encore plus qu'ailleurs en rodage.
Certains à l'instar d'Allianz ont, dans un premier temps, plaqué leur contrat de flottes automobile existant pour couvrir les locations de son partenaire Drivy.com. Une formule qui nécessite encore des adaptations si l'on en croit Emmanuel Gombault, directeur technique groupements flottes, particuliers affinitaires et voyages chez Allianz France : « Nous travaillons à la modulation de notre offre pour mieux répondre aux impératifs de l'assurance à l'usage. Cela pourrait se traduire - entre autres - par l'attribution d'un bonus en fonction du nombre de locations sans sinistre, franchise gratuite, prise en compte du bonus de l'assurance du propriétaire du véhicule... »
D'autres tels que Deways, site de locations de voitures de particuliers à particuliers, collabore avec la Macif pour que la prime reflète mieux le niveau de sinistralité, présumé meilleur que celui des sociétés de leasing. « Des marges d'optimisation existent parce que l'on se rend compte que les comportements des membres pionniers et les usages d'aujourd'hui ont évolué : la moyenne d'âge a augmenté, les outils de vérification et de contrôle par la communauté se sont améliorés. D'autres permettront d'aller plus loin encore dans la collecte de données en termes de géolocalisation, de types de trajets, de mode de conduite... », explique Gary Cohen, cofondateur de Deways. Autant de data précieuses pour l'actuaire qui pourraient faire l'objet d'une monétisation entre le site et la compagnie. Au-delà des aspects tarifaires, ces start-up, par la communauté qu'elles fédèrent, constituent de potentiels assurés. C'est particulièrement vrai pour les sites de covoiturage où l'assureur joue comme une source de rassurance auprès des utilisateurs.
« Nous étudions la possibilité de faire du cross-selling pour nous adresser directement aux utilisateurs de la plate-forme », concède Emmanuel Gombault. Reste une fonction dans laquelle les assureurs brillent par leur discrétion : celle du financement.
Les assureurs encore frileux
Exception faite de la prise de participation de 2,6 M€ de la Maif dans Koolicar en septembre, le secteur n'est pas perçu comme un financeur naturel de leurs besoins de développement. « Pour des raisons qui tiennent essentiellement à la culture et à leur ADN, il est a priori plus facile pour les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) d'investir dans les start-up et de les intégrer à leur ecosystème que pour les banques ou les assureurs », souligne Antonin Léonard de OuiShare. En témoignent la levée de 8 M€ de Drivy.com en mai auprès du fonds en capital risque Index Partners et Alven Capital ou encore les 100 M$ levés par BlaBlaCar auprès d'un autre capital-risqueur, Index Venture.
La dissociation entre la propriété et l’usage modifie la manière de garantir les biens.
Pascal Demurger, directeur de la Maif
UNE ACCÉLÉRATION DES PARTENARIATS ENTRE LES ASSUREURS ET LES START-UP DEPUIS 2008
- 2008 NOVEMBRE
Maif et BlaBlaCar Covoiturage
- 2010 JUIN
MMA et Livop Autopartage
- 2012 AVRIL
Macif et Deways Location de voitures entre particuliers MAI MMA et OuiCar Location de voitures de particuliers à particuliers
- 2013 MARS
Axa et Click&Boat Location de bateaux entre particuliers
- 2013 OCTOBRE
MMA et Tripndrive Autopartage à l'aéroport
- 2014 JANVIER
Allianz et Drivy Location de voitures entre particuliers
- 2014 MAI
April et Switcharound Échange et sous-location d'appartements
- 2014 SEPTEMBRE
Maif et Koolicar Location de voitures entre particuliers
- 2014 OCTOBRE
Maif et GuestToGuest Échanges de maisons entre particuliers
Hiscox et Costockage.fr Location d'espace de stockage de particuliers à particuliers
SOUTIEN FINANCIER - ACTION DE SPONSORING
L'exemple : la Fondation Macif La Macif favorise le développement de l'autopartage pour les personnes en situation de handicap à travers le financement de véhicules adaptés (partenariat avec France Autopartage). Le groupe mutualiste soutient également depuis 1998 l'association Voiture&Co pour permettre à tous de se déplacer mieux en polluant moins.
PARTENARIAT COMMERCIAL
L'exemple : Allianz et Drivy.com Depuis le 1er janvier 2014, Allianz assure Drivy, un site de location de voiture entre particuliers. Assimilable à un contrat de flottes automobile, Drivy déclare mensuellement le nombre de locations à Allianz, qui établit une facturation au mois. Pour chaque location, la souscription à l'assurance est automatique au tarif convenu entre les deux partenaires. Drivy prélève une commission de 30 % sur chaque prestation dans laquelle le coût de l'assurance est inclus.
PRISE DE PARTICIPATION CAPITALISTIQUE
L'exemple : Maif et Koolicar La mutuelle des instituteurs a pris en septembre dernier une participation à hauteur de 2,6 M€ dans Koolicar, un site d'autopartage entre particuliers. Cette levée de fonds, à laquelle s'ajoutent 200 000 euros de fonds privés, doit permettre à la start-up d'accélérer son développement. Et pour la Maif d'identifier de nouveaux débouchés et d'implanter son image durablement dans le champ de la consommation collaborative.
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