ANI 2017 : actualité dense pour la prévoyance
L’extension de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 17 novembre 2017 relatif à la prévoyance des cadres intervient dans le nouveau contexte des ordonnances Macron, qui donnent davantage de liberté contractuelle aux entreprises sur le terrain de la protection sociale professionnelle. Par Bruno Serizay, avocat associé chez Capstan Avocats.

Tel un « marronnier » éditorial, les irréductibles promoteurs des clauses de désignation entendent se prévaloir du rapport du Comité européen des droits sociaux (CEDS) transmis au Comité des ministres pour relancer le sujet tranché par le Conseil constitutionnel et les juridictions nationales ; l’absence de caractère contraignant de ce rapport n’est pas de nature à compromettre la liberté pour les entreprises de sélectionner l’assureur le mieux à même de couvrir le régime de prévoyance. L’ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017, en tant qu’elle redéfinit les rapports entre les accords professionnels et les accords d’entreprise et l’ANI (Accord national interprofessionnel daté du 17 novembre 2017) relatif à la prévoyance des cadres (conséquence indirecte de l’accord principal sur la fusion des régimes Arrco et Agirc), renforce significativement la liberté pour les entreprises de concevoir, par accord collectif, des régimes adaptés à leur situation et à celle de leurs salariés.
Le nouvel encadrement des accords d’entreprise
Consacrant la prévalence de l’accord d’entreprise, l’article L. 2253-1 du code du travail limite les matières pour lesquelles, par exception, l’accord professionnel est susceptible de s’imposer aux accords d’entreprise antérieurs ou postérieurs. Le 5° de l’article L. 2253-4 dispose que « les garanties collectives complémentaires mentionnées à l’article L. 912-1 du code de la Sécurité sociale » constituent précisément une des matières de prévalence professionnelle. Les accords professionnels susceptibles de s’« imposer » sont toutefois très spécifiques. Seuls sont concernés ceux visés à l’article L. 912-1 du code de la Sécurité sociale établissant des garanties présentant un haut degré de solidarité et procédant à la recommandation d’un ou plusieurs organismes d’assurance. L’accord professionnel doit donc prévoir qu’au moins 2 % de la prime d’assurance sont consacrés au financement de garanties présentant un haut degré de solidarité, telles qu’elles sont définies par l’article R. 912-2 du code de la Sécurité sociale. Dès lors, si l’accord professionnel ne respecte pas les caractéristiques de HDS (haut degré de solidarité) et / ou ne procède pas à la recommandation d’un ou plusieurs organismes d’assurance, il ne s’impose aux entreprises qu’en l’absence d’accord d’entreprise. En revanche, il s’efface en cas d’accord d’entreprise, y compris si celui-ci définit un régime totalement différent, sans avoir à établir le caractère équivalent ou plus favorable des garanties d’entreprise. Le régime mis en place par accord référendaire ou par décision unilatérale de l’employeur doit, lui, offrir des garanties au moins équivalentes à celles définies par l’accord professionnel.
À l’inverse, si l’accord professionnel respecte les caractéristiques de HDS et procède à une recommandation, il s’impose, a priori, à l’entreprise, y compris si le régime est mis en place par accord d’entreprise (ce qui ne prive pour autant pas l’entreprise de la liberté d’adhérer à un assureur autre que celui recommandé). La prévalence de l’accord professionnel est toutefois limitée, dans la mesure où l’accord d’entreprise n’est pas tenu de reprendre des garanties identiques à celles de l’accord de branche, mais peut instaurer des garanties au moins équivalentes. La loi précise que l’équivalence doit s’apprécier sur l’ensemble des garanties définies par l’accord de branche et de l’entreprise. La comparaison doit être faite globalement et non pas « ligne par ligne ». Il est souhaitable que l’accord d’entreprise établisse le caractère équivalent de l’ensemble de ses garanties.
à retenir
Les nouvelles marges de liberté issues des ordonnances Macron permettent aux entreprises de s’affranchir des régimes de prévoyance établis par les CCN (convention collective nationale).
Extension de l’ANI
L’intégration à la convention collective de retraite des cadres du 14 mars 1947 (convention Agirc) des dispositions sur la prévoyance des cadres (l’obligation pour les entreprises de consacrer 1,5 % des salaires – dans la limite du plafond annuel de Sécurité sociale – au financement de garanties couvrant en priorité le risque décès) n’était plus conforme à l’article L. 921-4 du code de la Sécurité sociale, qui limite le champ des accords de retraite complémentaire aux seules dispositions relatives à la retraite complémentaire. L’Ani du 17 novembre 2017 instituant le nouveau régime Agirc-Arrco de retraite complémentaire ne pouvait pas maintenir un tel dispositif de prévoyance. Il a donc été conclu (le même jour) un ANI spécifique relatif à la prévoyance des cadres. Cet accord, qui a été étendu et élargi par un arrêté du 27 juillet 2017, reprend le dispositif historique. Le caractère contraignant de cet accord interprofessionnel est très relatif. Il est effectif à l’égard des entreprises non dotées d’un régime de prévoyance pour les cadres ou dont le régime résulte d’un accord référendaire ou d’une décision unilatérale.
En revanche, l’accord interprofessionnel ne bénéficie pas de la prévalence relative attribuée aux accords professionnels et de toute façon n’établit pas de garanties présentant un haut degré de solidarité. En conséquence, un accord de prévoyance d’entreprise peut totalement s’affranchir des dispositions de l’accord du 17 novembre 2017, sans avoir à établir que le financement ou les garanties du régime d’entreprise (s’il résulte d’un accord collectif ) seraient équivalents à ceux définis par l’Ani. Au-delà de l’affirmation de l’autorité de l’accord collectif, cette évolution est source de simplifications significatives pour la conception et la gestion des régimes de prévoyance.
à noter
Issues de la réforme des régimes Arrco et Agirc, de nouvelles règles de coordination des régimes de prévoyance d’entreprise et des obligations spécifiques pour les cadres (règle dite du 1,5 % TA des cadres) sont à prévoir.
Nouveau régime Agirc-Arrco
Petite ombre au tableau de la liberté conventionnelle, la fusion des régimes Arrco et Agirc compromet l’application du premier critère d’identification des « catégories objectives » défini à l’article L. 242-1-1 du code de la Sécurité sociale et conditionnant l’éligibilité aux exonérations sociales du financement des régimes catégoriels. Jusqu’à présent, il est possible d’instaurer des régimes de protection sociale complémentaire (prévoyance, santé, retraite supplémentaire) spécifiques aux salariés affiliés (ou au contraire non affiliés) à l’Agirc. La pratique avait largement consacré l’utilisation de ce critère, correspondant à une différence de statut effective dans les entreprises (et dans la plupart des branches) consacrée par la Cour de cassation. La disparition du régime de retraite complémentaire propre aux cadres impose une révision de l’article R. 242-1-1 du code de la Sécurité sociale.
Grilles de classification
Il serait justifié de substituer au critère de l’affiliation au régime des cadres, celui résultant de l’application des grilles de classification (non exclusivement professionnelles) identifiant une catégorie d’emplois de cadre. L’adaptation de l’article R. 242-1-1 – qui montre la faiblesse d’une disposition réglementaire assise sur des dispositions conventionnelles et souligne à nouveau le caractère contestable de toute définition réglementaire des catégories objectives – pourra s’imposer aux futurs accords de protection sociale. En revanche, il conviendra que soient « sauvegardés » les actuels régimes catégoriels fondés sur une application (conforme) des actuelles dispositions réglementaires. L’avenir démontrera certainement que la liberté conventionnelle étendue sera facteur de développement des régimes de protection sociale complément a i re, largement compromis par l’accumulation des contraintes depuis 2009.
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