Le courriel au regard de la preuve
Par Emmanuelle Peronet, juriste, DEA droit des contrats de la faculté Jean-Monnet

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Par Emmanuelle Peronet, juriste, DEA droit des contrats de la faculté Jean-Monnet
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Désormais, le courrier électronique est un moyen de communication très répandu, aussi bien dans l'entreprise que dans les rapports commerciaux. Assimilé et utilisé par certains comme un véritable courrier, il contient parfois des informations dont l'émetteur ne mesure pas toujours la portée.
Un arrêt très commenté de la Cour de cassation permet de faire le point sur le courriel en tant que moyen de preuve (Civ. 1re, 30 sept. 2010, n° 09-68 555).
Le courriel n'est pas un écrit électronique au sens de l'article 1316-1 du code civil.
L'admissibilité du courriel en tant que moyen de preuve
Dans quels cas pourra-t-on admettre le courriel comme moyen de preuve ? En fait, chaque fois que l'exigence d'une preuve par écrit ne sera pas requise. Il en est ainsi en ce qui concerne la preuve des faits juridiques, ou pour prouver des actes juridiques d'une valeur inférieure à 1 500€ (C. civ., art. 1 341). De même, en matière commerciale (C. com., art. 110-3) où la preuve est libre.
Le courriel peut constituer un mode de preuve dès lors qu'on l'oppose au commerçant. En revanche, opposé au non-commerçant, l'acte d'une valeur supérieure à 1 500€ devra être prouvé par écrit.
Pour ces transactions, le commerçant devra recourir à l'écrit papier, ou mettre en place un processus de signature électronique fiable, ou encore prévoir par convention le recours à ce mode de preuve.
Dans le cas où la preuve est libre, le courriel est une preuve imparfaite au même rang que les simples documents écrits : actes sous seing privé irréguliers, lettres missives, papiers domestiques, le témoignage, ou les présomptions de fait.
La valeur probante du courriel
En tant que preuve imparfaite, le courriel sera dès lors soumis à l'appréciation souveraine du juge qui sera libre de le retenir ou l'écarter. Les courriels soumis au juge sont rematérialisés : ce sont des impressions papier des messages stockés dans le logiciel de messagerie.
« À supposer que l'auteur du courriel soit identifié, rien n'exclut donc que la date et le contenu du message soient altérés sur la sortie papier produite au dossier. Dans le cadre de la procédure contradictoire, il suffira donc que la partie à qui l'on oppose le courriel le conteste pour jeter un doute sérieux sur sa force probante, doute que la partie ayant produit le courriel devra s'employer à lever par des moyens complémentaires », (O. Cachard, Le désaveu d'écritures : de la lettre missive au simple courrier électronique, Lamy Droit civil n° 80 mars 2011).
En l'espèce précitée, les juges du fond avaient sans nul doute accordé trop de crédit à un courriel contesté par son auteur.
Le tirage papier du courrier électronique s'analyse en fait en une simple copie (Civ. 2e, 4 déc. 2008, n° 07-17 622).
« Le juge ne peut plus écarter d'emblée un écrit, instrumentum, quel qu'il soit. Il faut préalablement qu'une partie dénie son engagement ou l'instrumentum, et conteste l'intégrité de cet acte pour justifier une vérification et l'imputabilité du contenu à l'auteur désigné ». Ceci est transposable au mail qui peut constituer un mode de preuve tant qu'il n'est pas dénié (L. Grynbaum, Le droit de l'écrit électronique : un frein au commerce en ligne, Lamy Droit de l'immatériel n° 67, janv. 2011). Une jurisprudence qui devrait restreindre l'utilisation du courriel en tant que moyen de preuve...
Qu'est-ce qu'un courriel ?
« Constitué d'une suite de lettres, de caractères, de chiffres ou de tous autres signes ou symboles dotés d'une signification intelligible », le courriel est un écrit au sens de l'article 1316 du code civil. Il a la particularité de pouvoir être diffusé à un seul destinataire ou à une liste, et de pouvoir être ainsi rerouté, sans que l'émetteur en soit d'ailleurs informé. À la différence de la lettre missive sur papier, il est rarement assorti d'une signature fiable. En effet, seule une véritable signature électronique - usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache tel que le définit l'article 1316-4 du code civil - lui conférerait la valeur d'un écrit électronique, outre les exigences de sécurité dans sa création et d'intangibilité dans sa conservation. Le courriel n'est donc pas un écrit électronique au sens de l'article 1316-1 du code civil, puisque l'utilisateur ne dispose pas en général d'un procédé de signature électronique sécurisé.
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