Désordre

Jusqu’où ira l’effet domino dans l’assurance construction ? Après la faillite, fin 2016, de Gable Insurance AG, basé au Liechtenstein… Après le run-off, en juillet 2017, d’Elite Insurance, domicilié à Gibraltar… Après le placement en redressement judiciaire, en février, du néo-zélandais CBL Insurance (et l’interdiction prononcée à l’encontre de sa filiale européenne d’exercer en France), actionnaire du courtier SFS, lequel cherche désespérément un repreneur… Le marché de la dommages-ouvrage et de la RC décennale a de nouveau été secoué par la défection d’un acteur opérant en libre prestation de service (LPS). Le 4 mars, le danois Alpha Insurance déposait le bilan et cessait « toute souscription et tous les renouvellements ». Ça commence à faire beaucoup. Et la série noire n’est peut-être pas terminée…
« Nous traversons une période que l’on pourrait résumer par l’expression “Bas les masques !”, confie Jacques Chanut, président de la Fédération française du bâtiment à nos confrères de Batiactu. Ce qui nous préoccupe aujourd’hui, c’est de savoir si nous pourrons continuer, à l’avenir, à nous assurer. Si le taux de sinistres est trop important, est-ce que les grandes compagnies d’assurance continueront de s’intéresser à notre marché ? Pendant la crise économique, certains acteurs ont joué avec le feu en priorisant les prix bas dans le choix de leurs partenaires. Mais il y a toujours un retour de bâton. »
Les « acteurs » évoqués par M. Chanut, ce sont ceux exerçant en LPS, dispositif permettant à un assureur agréé dans un pays de l’Union européenne d’exercer dans un autre État membre sans pour autant y être établi. Ce qui revient à pouvoir travailler en France tout en étant sous le contrôle des régulateurs de Malte, de Gibraltar, du Luxembourg ou d’Irlande, souvent moins regardants que « notre » ACPR nationale. Faut-il revoir le principe de la LPS, fréquemment utilisée dans l’assurance construction mais aussi en RC médicale ou en emprunteur ? Là n’est pas mon propos, d’autant que dans le BTP, il y aurait aussi beaucoup à dire sur les pratiques de certains professionnels du bâtiment…
Mais force est de constater que nous sommes confrontés à un curieux paradoxe. Que l’on parle de Solvabilité 2, de DDA, de RGPD, le marché dans son ensemble ne cesse de se plaindre du caractère contraignant des textes réglementaires d’inspiration européenne. À l’inverse, de nombreuses voix dénoncent, à demi-mot, le no man’s land juridique découlant de l’article 56 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne sur la LPS. Bref, d’un côté, il y aurait trop de règles ; de l’autre, pas assez. Le problème, c’est que, sauf à ce que le marché s’autorégule, la situation n’est pas près d’évoluer. Sur la question de la LPS, on a un peu l’impression qu’entre la Commission européenne, les régulateurs et les intermédiaires, tout le monde se renvoie la balle, question responsabilités. Ce qui fait un peu désordre. Surtout, il n’y a pas meilleur moyen d’alimenter un sentiment antieuropéen déjà très fort.
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