L’investissement durable & responsable : nouveau paradigme pour les assureurs
L’investissement durable & responsable est devenu incontournable. Au cours des dernières années, peu de sujets auront tant dominé l’actualité financière mais également les agendas des directeurs financiers et gestionnaires d’actifs des assureurs.

Aujourd’hui, le monde est confronté à l’urgence des enjeux environnementaux, sociétaux et économiques. Le réchauffement climatique en particulier entraîne une dégradation de l’environnement ainsi que des coûts financiers, il est également devenu le premier « multiplicateur de risques » pour la société, provoquant des disparités économiques, des problèmes sanitaires, des migrations ingérables et des tensions entre les nations.
À l’instar des autres investisseurs institutionnels, les assureurs sont appelés à participer aux efforts collectifs visant à atténuer ces problématiques, en privilégiant un paradigme d’investissement plus responsable et durable. Les autorités réglementaires nationales et supranationales contribuent à accélérer cet impératif. Les nouvelles exigences qui en découlent s’inscrivent dans un environnement d’investissement déjà complexe.
… après une décennie complexe et dans le contexte d’une crise sans précédent
Au cours des dix dernières années, les assureurs ont été confrontés à la grande difficulté de générer des rendements dans un environnement de taux très faibles. Les incertitudes qui ont pesé sur l’économie mondiale ont non seulement réduit la visibilité, mais également rogné les performances. Le sentiment des investisseurs a souvent basculé d’un « scénario du pire » à un fort optimisme, en seulement quelques jours. Ces dernières années, outre la crise sanitaire, la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, le Brexit, les tensions avec l’Iran et les mouvements sociaux dans plusieurs pays européens ont généré de la volatilité dans de nombreuses classes d’actifs, avec des pics de plus en plus fréquents.
En parallèle, les assureurs ont dû jongler entre un cadre réglementaire de plus en plus strict et l’évolution des normes comptables. L’intégration des exigences de Solvabilité II dans les processus de gestion, au niveau décisionnel et opérationnel, a nécessité le déploiement de ressources importantes et a rendu certaines classes d’actifs plus coûteuses en termes de capital réglementaire, notamment celles pouvant apporter du potentiel de performance. Les assureurs européens cotés ont été soumis à l’IFRS 9, nouvelle norme comptable pour les instruments financiers. Celle-ci crée des liens plus étroits entre la volatilité de leurs investissements et la volatilité de leurs comptes de résultat.
Ces problématiques ont mis encore plus de pression sur les prix et les marges, entraînant des consolidations dans certains segments du secteur de l’assurance.
En termes de répercussions sur l’économie et les marchés financiers, la pandémie de Covid-19 a peu ‒ voire aucun ‒ précédent dans notre histoire récente. Si les perspectives se sont éclaircies pour l’économie mondiale, la vigueur de la reprise sera sans doute hétérogène entre différents secteurs et zones géographiques. L’incertitude reste élevée, notamment concernant la durée des politiques monétaires accommodantes et les niveaux des taux d’intérêt.
Première étape indispensable : clarifier la compréhension au sein de l’entreprise
Face à cet environnement complexe, comment les assureurs peuvent-ils relever le défi de l’investissement durable & responsable ? S’agit-t-il d’une nouvelle contrainte pour leurs portefeuilles ? La gestion durable peut-elle, au contraire, représenter une source d’opportunités et donc de valeur ajoutée ?
Une première étape utile pour les assureurs qui abordent l’investissement durable & responsable peut être de clarifier les concepts clés, s’accorder sur la terminologie employée et ainsi établir une compréhension commune au sein de l’entreprise. En effet, au cours des dernières années, peu de thèmes auront créé autant de jargon que la notion de « durabilité » dans le contexte de la gestion d’actifs. Gestion durable, gestion responsable, les portefeuilles éthiques, ESG, produits financiers verts… La multiplication parfois déconcertante des termes et le manque de clarté qu’elle a suscité ont alimenté un certain scepticisme.
Une bonne compréhension, applicable et commune à toute l’organisation d’un assureur, est ainsi essentielle si l’on souhaite développer des politiques d’investissement cohérentes et assurer une mise en œuvre efficace. En particulier, l’investissement responsable, l’investissement durable et l’impact sont des concepts fondamentaux qu’il convient de clarifier.
L’investissement responsable
Certains investisseurs privilégient la notion de « responsabilité » et alignent leurs décisions d’investissement avec des considérations et des principes éthiques, religieux ou culturels. Ils se sentent moralement responsables et redevables de leurs actions lorsqu’ils investissent. L’investissement responsable est également connu sous le nom d’investissement éthique ou socialement responsable.
La durabilité ne constitue pas l’objectif premier de l’investissement responsable. En d’autres termes, l’objectif principal n’est pas de capitaliser sur des opportunités ESG (environnement, social, gouvernance) mais bien d’aligner les investissements avec certaines valeurs. Bien entendu, ces valeurs peuvent également contribuer à générer un impact positif pour l’environnement ou la société. Mais il ne s’agit pas là de l’objectif premier de l’investissement responsable.
L’investissement durable
D’autres investisseurs s’intéressent davantage au concept de « durabilité », en évaluant les risques et les opportunités ESG afin d’optimiser les performances ajustées aux risques sur le long terme. Pour employer des termes simples, l’investissement durable consiste à intégrer les dimensions ESG à l’analyse menée sur les entreprises et les pays, ainsi qu’aux décisions d’investissement, afin de mieux gérer les risques et/ou générer des performances régulières dans la durée.
Cette approche contribue au développement et à la croissance d’une économie durable. Le lien établi avec la performance financière suggère que même les investisseurs ayant pour seul objectif de générer des performances financières peuvent incorporer une dimension durable à leurs décisions d’investissement.
Les approches de gestion varient selon les indicateurs ESG spécifiques qui sont pris en compte, la manière dont ils sont intégrés et les résultats qu’ils génèrent pour les portefeuilles d’assurance. Néanmoins, l’inclusion de ces considérations extra-financières, associée à l’engagement actionnarial, est la pierre angulaire de toute démarche d’investissement durable.
Investissement durable & responsable
Les principes de l’investissement responsable peuvent être associés à ceux de l’investissement durable pour former l’investissement responsable et durable.
L’investissement d’impact ou impact investing
L’investissement d’impact a pour objectif explicite de générer des effets positifs et mesurables pour la société et/ou l’environnement. S’agissant d’une catégorie d’investissement relativement récente, il n’existe pas encore de consensus sur la définition.
Il existe d’ailleurs plusieurs types d’impact investing. Dans de nombreux cas, l’objectif est d’obtenir un impact positif tout en générant, en parallèle, des performances financières compétitives. Parmi les exemples, nous pouvons citer les fonds d’impact de Private Equity, les obligations vertes et les obligations sociales. D’autres variantes de l’investissement d’impact considèrent qu’il est acceptable de générer des performances financières inférieures à celles du marché.
Si ce type d’investissements représente aujourd’hui une part relativement faible de l’univers global, l’intérêt des investisseurs pour cette catégorie croît rapidement.
La clarification des concepts liés à l’investissement durable & responsable dans l’organisation permet de créer une base solide sur laquelle établir une politique d’investissement qui intègre ce nouveau paradigme. La mise en œuvre de cette politique devra bien sûr être adaptée aux objectifs de chaque assureur, à ses impératifs règlementaires et aux particularités des actifs détenus en portefeuille afin de s’assurer que l’investissement durable & responsable n’ait pas un effet contraignant, mais devienne une potentielle source d’opportunités.
Auteur : Marie Niemczyk, Head of Insurance Relations
L’investissement durable & responsable : nouveau paradigme pour les assureurs
Tous les champs sont obligatoires
0Commentaire
Réagir