Jean-Paul Babey (Alptis) : « Nous sommes un peu l'institution du courtage »

À la tête d’un des plus influents courtiers grossistes du marché, Jean-Paul Babey défend – chiffres à l’appui – la pertinence et les perspectives de son modèle d’entreprise, sociétal et participatif.

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Jean-Paul Babey (Alptis) : « Nous sommes un peu l'institution du courtage »
Jean-Paul Babey Président d’Alptis

Argus de l'Assurance : Vous êtes le deuxième courtier grossiste du marché français avec 101,3 M€ de chiffre d’affaires enregistré en 2017, en croissance organique de 7 %. Comment expliquez-vous cette dynamique dans un marché hypercompétitif ?

Jean-Paul Babey (Alptis) : Nous n’avons, pour commencer, pas d’actionnaires à rétribuer. Nous réinvestissons ainsi, chaque année, entre 3 et 5 M€ d’excédents financiers dans le développement de l’entreprise pour mener, entre autres, des chantiers digitaux liés à la réurbanisation de nos systèmes d’information et évidemment commerciaux, qui renforcent notre compétitivité. Nous avons, dans ce cadre, immédiatement mis les moyens nécessaires pour nous positionner sur le collectif au moment de l’ANI et pris rapidement des parts de marché. Notre croissance s’explique aussi du fait que les mouvements de marché, dans l’assurance, sont assez lents. La santé individuelle ne s’est pas effondrée et nous avons progressé sur l’ensemble de nos segments. Ensuite, notre distribution, à travers 6 500 courtiers apporteurs d’affaires, constitue un appui capillaire avantageux pour conquérir et fidéliser une clientèle hétéroclite, composée de TNS, de PME et de particuliers. Notre ambition est d’atteindre les 130 M€ de chiffre d’affaires en 2020. Enfin, notre croissance valide surtout la singularité de notre modèle associatif, que nous cultivons depuis 40 ans.

Comment définiriez-vous ce modèle qui est unique sur le marché des grossistes ?

Nous nous définissons comme des entrepreneurs sociétaux qui incarnent ce qu’on appel­le aujourd’hui l’entreprise à mission. Nous l’avions créée dès 1976. Elle repose sur quatre piliers : d’abord la finalité sociétale. Elle nous amène à prendre la parole, par exemple, sur les problématiques « fumeur/non-fumeur » ou de généralisation du tiers payant, et explique la création de notre observatoire de la protection sociale, qui compile des data sur nos populations assurées et les informe dans une logique de solidarité active et de responsabilisation vis-à-vis des systèmes sociaux. La santé n’est pas un bien comme les autres et Alptis a à cœur de ne pas spéculer sur celle des personnes.

Ensuite, la rentabilité maîtrisée que j’évoquais précédemment et qui consiste à réinjecter une grande partie de nos bénéfices dans le groupe afin d’avoir une vraie stratégie de long terme. Puis la posture entrepreneuriale axée sur le développement permanent et la recherche de proposition de valeur. Et enfin, la gouvernance participative. Ce sont nos clients qui siègent bénévolement aux conseils d’administration et veillent à la stratégie d’Alptis. Nous avons plus de 100 comités locaux. Cette coconstruction de nos offres avec toutes les parties prenantes de l’entreprise, assurés et distributeurs, caractérise le fonctionnement de notre modèle. Nous sommes un peu l’institution du courtage.

Sur quel enjeu le réinvestissement des bénéfices a-t-il porté ces deux dernières années ?

Sur le nouveau système de traitement de l’information. Nous avions une informatisation sur une base de données Oracle assez robuste et si nous utilisons la signature électronique depuis dix ans et le coffre-fort numérique depuis cinq ans, il fallait en faire évoluer l’architecture pour créer des interfaces digitales et mobiles, et notamment développer un bouquet de fonctionnalités sur l’espace pro.

Vous hébergez des start-up dans vos locaux lyonnais. Comment se déroule la cohabitation entre vos 540 collaborateurs et ces jeunes entrepreneurs de la nouvelle économie ?

Nous avons, en effet, consacré une partie de nos locaux pour les accueillir en créant une salle à vivre, une seconde de coworking et généralisé le WiFi… Une fois par mois, nous organisons les Rendez-vous du mardi. Ce sont des pitchs réciproques. Soit ces startuppers « pitchent » sur leurs problématiques face à des professionnels d’Alptis qui leur apportent leur vision et leurs questionnements. Soit c’est l’inverse. Et c’est nous qui leur demandons leurs avis et idées ! Cette hybridation est vertueuse.

SON PARCOURS

Diplômé de HEC, Jean-Paul Babey a occupé plusieurs postes de direction et présidé le Syndicat 10 (1) de 2009 à 2015.

  • 1985-1987 Consultant pour Cegos
  • 1987-1999 Directeur général de Mondial Assistance
  • 1999-2001 Directeur développement international au sein du groupe April
  • 2002-2004 Directeur développement international au sein de PMU
  • Depuis 2004 Président d’Alptis Assurances
    1. Syndicat national des courtiers grossistes souscripteurs en assurance (aujourd’hui Planète Courtier).

Avec quels assureurs travaillez-vous ?

Environ 25 assureurs, autant des privés que des mutuelles ou institutions de prévoyance. Les liens se sont construits au fil du temps et ne se sont jamais dénoués, notamment parce que le premier devoir de conseil que nous appliquons consiste à expliquer au client qu’une bonne assurance a un vrai prix. Nos courtiers partenaires croient en la qualité des produits que nous mettons en place.

Votre maillage commercial est-il optimal ?

Oui, il a eu tendance à croître avec le collectif puisqu’on est passé, sur ce segment, de 750 à 1 500 courtiers. Mais le courtage est un tissu vivant. Nous avons une centaine de personnes sur le terrain qui accompagnent les créations, cessions et reprises de cabinets avec huit bureaux Alptis de proximité. L’intérêt, c’est d’être proche d’eux et de les accompa­gner dans leur développement. Par leur intermédiaire, nous couvrons aujourd’hui 400 000 personnes, représentant 300 M€ de primes.

Comment évoluent vos offres ?

Elles ciblent 40 % de TNS, 35 % de particuliers et 25 % d’entreprises dans le cadre du collectif. Nous repensons nos gammes de produits au fur et à mesure car l’attente du marché évolue en termes de couverture et de prix. De plus, les pratiques des garanties mises en œuvre (santé, hôpital…) et la réglementation imposent des changements juridiques et économiques, tel le contrat responsable. Au-delà, nous repensons la cinématique de l’achat, en incluant, par exemple, un chat en ligne pour nos distributeurs, l’utilisation de Messenger avec nos adhérents et très bientôt un chatbot. Les jeunes n’appellent plus et nous recevons autant de mails que de courriers. Il faut réin­venter la manière d’interagir avec les clients.

Demain, notre core business (activité principale) ne sera plus la santé ou la prévoyance, mais la mise en oeuvre de solutions assurantielles.

Êtes-vous DDA et RGPD compatible ?

La gouvernance produit imposée par la DDA correspond à notre mode de fonctionnement. Depuis toujours, nos experts marketing répon­dent à des trous de gamme, s’adressent à un public précis et coconstruisent des garan­ties avec toute la chaîne. Face aux offres de masse hyperindustrialisées des bancassureurs, par exemple, notre valeur ajoutée, c’est justement d’être des industriels de la petite série. Donc oui, nous sommes en phase avec la DDA. Les grossistes comme nous seront d’ailleurs une interface d’aide à la professionnalisation des intermédiaires. En revan­che, je suis plus nuancé concernant le RGPD. Nous sommes conformes sur le plan des interfaces clients, mais sur la gestion des données par elles-mêmes, certains de nos processus sont encore à optimiser. J’espère que cette rigidification du traitement de la data voulue par l’Europe ne fera pas, à terme du Vieux continent, le grand perdant de la 4e révolution industrielle mondiale...

Est-ce que vous nourrissez des inquiétudes sur l’avenir du courtage de proximité ?

Je m’inscris totalement en faux par rapport aux gens qui disent que le courtage est cher et ne sert à rien ! Au contraire, c’est un lien de proximité dans une société plus compliquée, avec des professionnels qui prennent le temps de bien protéger les gens tout au long de leur vie. Notre métier, c’est d’accompagner les distributeurs pour qu’ils protègent correctement les assurés finaux. Nous voyons la boucle en retour, puisque les clients nous en disent le plus grand bien dans les associations Alptis.

Seriez-vous prêt à vous diversifier en investissant un territoire complètement nouveau ?

Nous faisons déjà 12 % en vente directe et de la comparaison d’assurances. Nous ne nous interdisons pas de sortir de notre pré carré assurance de personnes pour aller vers de l’IARD, via des partenariats ou des rachats. Demain, notre core business (activité principale) ne sera plus la santé ou la prévoyance, mais la mise en œuvre de solutions assurantielles.

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