Faut-il hurler avec les loups ?

À compter du 21 décembre 2012, la Cour de justice de l'Union européenne interdit la différenciation tarifaire fondée sur le sexe. Tour d'horizon des conséquences de cette décision en matière d'assurance automobile.
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Faut-il hurler avec les loups ?
Jean Péchinot, chargé d’enseignement à l’université de paris-II-panthéon-Assas

Le moins que l'on puisse dire est que cette décision n'a pas trouvé le moindre supporteur. L'article publié dans L'Argus de l'assurance du 11 mars 2011 sous les plumes de Floriane Bozzo et Catherine Dufrêne est, à lui seul, édifiant : « L'Europe pulvérise la segmentation. Coup de tonnerre, hérésie, décision dramatique... Dans un bel ensemble, la communauté de l'assurance ne lésine pas sur les termes vengeurs pour fustiger l'arrêt du 1er mars de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) qui enterre la possibilité de segmenter en fonction du sexe de l'assuré, un critère largement utilisé en Europe pour la tarification des risques (ou les prestations), notamment en auto et en santé. »

D'autres chroniques ne sont pas moins tendres : « Assurance auto, vers l'égalité, vraiment ? », de Florence Legros (L'Agefi, 17 mars 2011) ; « Invalidité d'une dérogation en faveur des femmes » de Fabrice Picod (« JCP 2011 », éd. G, n° 319, droit international et européen, p. 543) ; « Discrimination, segmentation, simplification ou... aberration ? », d'Olivier Berruyer (Tribune de l'assurance, avril 2011, p. 54) ; « Coup de tonnerre ; la CJUE prohibe toute discrimination fondée sur le sexe », de Luc Mayaux (« JCP 2011 », éd. G, note n° 465, p. 756)...

Les commentateurs étrangers y vont aussi de leur couplet : « Insurance under attack » (« L'Assurance est attaquée »), par Roger Crombie (Risk et Insurance, 1er mai 2011).

Quelle mouche a donc piqué les hauts magistrats européens et quelles peuvent être les incidences pratiques de leur décision dans le domaine de l'assurance automobile ? Telles sont les thématiques que nous allons aborder. Au préalable, il convient de préciser que la Cour de justice contrôle la légalité des actes des institutions de l'Union européenne, veille au respect par les États membres des obligations qui découlent des traités, et interprète le droit de l'Union à la demande des juges nationaux.

La CJUE aurait davantage comme équivalent le Conseil constitutionnel que la Cour de cassation ou le Conseil d'État.

Cet avant-propos nous est apparu utile dans la mesure où, lorsqu'une décision de Cour de cassation est estimée inappropriée, une loi peut fixer de nouvelles règles. La tâche est beaucoup plus compliquée lorsqu'un texte se révèle contraire à la Constitution.

Il doit exister une différence pertinente

Ainsi donc, la Cour de justice de l'Union européenne a été saisie par la Cour constitutionnelle de Belgique dans le cadre d'une procédure engagée par l'association belge des consommateurs Test-Achats ASBL contre la loi belge du 21 décembre 2007, qui a transposé la directive 2004/113 « mettant en oeuvre le principe de l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l'accès à des biens et services et la fourniture de biens et services ». Cette loi autorise les assureurs à opérer une « distinction directe proportionnelle sur la base de l'appartenance sexuelle pour la fixation des primes et des prestations d'assurance lorsque le sexe est un facteur déterminant dans l'évaluation des risques sur la base de données actuarielles et statistiques pertinentes et précises ». L'association Test-Achats considère que cette disposition est contraire à la directive de 2004. On notera au passage que la dérogation autorisée par la loi belge ne concerne que l'assurance vie. En d'autres termes, les assureurs belges considèrent que le sexe n'est pas un facteur déterminant pour fixer la prime en assurance automobile.

Les conclusions de l'avocat général, madame Juliane Kokott, peuvent se résumer en un certain nombre de points :

« - la directive 2004/113, notamment l'article 5, vise à supprimer toute discrimination dans le domaine des assurances ;

- une inégalité de traitement directe fondée sur le sexe n'est licite que lorsqu'il peut être constaté avec certitude qu'il existe entre les hommes et les femmes des différences pertinentes rendant une telle inégalité de traitement nécessaire... Or, de nombreux autres facteurs jouent un rôle important pour l'appréciation des risques d'assurance, comme des éléments économiques et sociaux, ainsi que les habitudes de vie de chacun, par exemple, la nature et l'intensité de l'activité professionnelle, l'environnement familial et social, les habitudes alimentaires, la consommation de denrées d'agrément ou de drogues, les activités de loisirs, la pratique du sport ;

- s'il est facile de stipuler une distinction en fonction du sexe dans les produits d'assurance, il est bien plus compliqué d'appréhender et d'évaluer correctement des éléments économiques et sociaux, ainsi que les habitudes de vie de ses assurés. »

La Cour va faire sienne l'analyse de son rapporteur, en ajoutant le constat que le but de la directive est d'appliquer la règle des primes et prestations unisexes, l'article 5 § 2 ne pouvant être considéré que comme une dérogation. Le fait que les États membres puissent conserver sans limitation cette dérogation est contraire à l'objectif d'égalité de traitement entre hommes et femmes poursuivi par la directive. En conséquence, la CJUE considère que les dispositions dérogatoires de l'article 5 § 2 doivent être invalidées à effet du 21 décembre 2012.

On passe de l'assurance à la solidarité, donc à l'impôt

En première analyse, la Cour européenne ne prononce pas un obiter dictum (1). Elle ne fait que replacer une partie de la directive dans son contexte général de suppression de discrimination. Toutefois, au-delà de ce sentiment, il m'est apparu nécessaire de reprendre les points essentiels du rapport de l'avocat général, car il comporte, à mon sens, des motifs à la fois de critiques et de recherches.

Sur le premier aspect, la décision de la Cour de justice poussée à son extrême conduit à la suppression des entreprises d'assurance. En effet, si, au lieu de recourir à un critère générique comme le sexe, l'assureur est tenu d'analyser le comportement de chaque individu, ses modes de locomotion, ses loisirs, son activité professionnelle, ses modes alimentaires, il sera en mesure de déterminer précisément le coût du risque propre à cette personne. Dans ce cas, pourquoi cette personne s'assurerait-elle pour avoir alors à payer, en sus du risque, les frais d'intermédiation, de gestion, sans parler des taxes grevant le contrat d'assurance ?

D'un autre côté, en considérant normal que les primes de certains assurés soient plus élevées que ne l'exige le risque qu'ils représentent en contrepartie de la baisse des primes d'autres, ce n'est plus de l'assurance, mais de la solidarité, donc de l'impôt. Si l'on veut conserver une activité d'assurance qui repose sur le principe fondamental de la segmentation, il faut donc trouver un « juste milieu » qui permette de constituer des groupes homogènes. Dans ce cadre, pourquoi cette homogénéité « sexuée » serait à exclure ?

L'application à l'assurance automobile

Le coeur de notre discussion étant l'assurance automobile, nous allons essayer d'en percevoir quelques conséquences.

Tout d'abord, dressons un constat le plus objectif possible : est-on bien certain que le sexe soit le seul critère de différenciation tarifaire en assurance auto ? Lorsqu'on examine le tableau ci-dessous, issu des travaux de l'Association française de l'assurance, qui permettent de « justifier » le maintien du sexe comme critère de tarification, on constate que les écarts de primes pures entre les hommes et les femmes sont très faibles : 102 pour les hommes, 97 pour les femmes, avec une tendance à la réduction entre 2008 et 2009. La différence de tarif repose-t-elle bien sur le sexe ?

En réalité, il faut consulter un autre document, qui démontre cette fois que la différence vise tout particulièrement les conducteurs novices. Les écarts entre les novices masculins et féminins sont très importants. Le tableau permet également de conclure que si le sexe est un état qui, sauf exception, persiste, le noviciat, quant à lui, ne dure qu'un temps. Le tableau peut donc être lu dans une acception légèrement différente, qui retient en majeure partie non le sexe, mais l'ancienneté du permis de conduire. Sous cet aspect, la distinction entre les hommes et les femmes, si elle est loin d'être négligeable, n'en est pas pour autant catastrophique

Du sexe considéré comme un élément affinitaire

D'autres éléments doivent entrer dans la réflexion. En effet, certains imaginent la constitution d'associations de jeunes conductrices, qui viendraient souscrire des contrats pour le compte de leurs adhérentes. L'assureur serait prémuni de tout risque de discrimination puisque, plus ou moins spontanément, une association viendrait lui demander de tarifer un risque. Si l'idée paraît séduisante sur le papier, elle se heurte à un certain nombre d'obstacles pratiques :

- ces conducteurs novices sont, pour la plupart d'entre eux, des jeunes qui vivent encore au domicile familial. Un certain nombre de formules existent pour les inclure dans une approche « familiale ». Selon qu'ils sont conducteurs occasionnels ou non, ils pourront être désignés au contrat souscrit par un aîné, avec pour conséquence une majoration de la cotisation ou l'application d'une franchise en cas de sinistre. En d'autres termes, le conducteur novice ne paiera pas l'estimation de son risque d'une manière abstraite, mais il sera tenu compte de son environnement familial, dont on sait l'importance qu'il peut avoir dans la transmission des comportements ;

- quelle que soit la situation, lorsque l'adhérente recevra le projet de tarification proposé à l'association, elle comparera avec ce que peuvent lui proposer les autres assureurs du marché. Les meilleurs risques quitteront donc l'association. L'assureur qui aura proposé un tarif sur le risque moyen se retrouvera avec les seuls risques les plus lourds, lesquels, par voie de conséquence, seront sous-tarifés. On devine la pérennité d'une telle entreprise...

En conclusion, je considère que la décision rendue par la Cour de justice n'a pas lieu de surprendre, compte tenu de l'environnement législatif européen. Elle arrive à un moment où se discute la directive sur la discrimination en fonction de l'âge et du handicap. La portée de cette décision me paraît cependant limitée dans le domaine automobile, là où la « discrimination » vise essentiellement les conducteurs novices. La plus grande incidence tarifaire ne devrait concerner que ces conductrices ne pouvant bénéficier d'une approche familiale.

Certes, les assureurs devront revoir leurs programmes informatiques et imaginer d'autres critères de segmentation pour ne pas modifier trop sensiblement leurs prix. Par voie de conséquence, que les jeunes conducteurs ne se réjouissent pas trop vite : leurs cotisations d'assurance auto ne devraient pas baisser dans des proportions considérables...

1. Dans une décision de justice, désigne un passage indicatif, une opinion, qui ne justifie pas la décision.

La décisionCJUE, 1er mars 2011, C 236/09

Dans l'affaire ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l'article 234 CE, introduite par la Cour constitutionnelle (Belgique), par décision du 18 juin 2009, parvenue à la Cour le 29 juin 2009. Dans la procédure Association belge des consommateurs Test-Achats ASBL, Yann van Vugt, Charles Basselier contre Conseil des ministres, LA COUR (grande chambre), rend le présent arrêt 1. La demande de décision préjudicielle porte sur la validité de l'article 5, paragraphe 2, de la directive 2004/113/CE du Conseil, du 13 décembre 2004, mettant en oeuvre le principe de l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l'accès à des biens et services et la fourniture de biens et services (JO L 373, p. 37). 2. Cette demande a été présentée dans le cadre d'un litige opposant l'association belge des consommateurs Test-Achats ASBL ainsi que MM. Van Vugt et Basselier au conseil des ministres du royaume de Belgique au sujet de l'annulation de la loi du 21 décembre 2007 modifiant la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes, pour ce qui est de l'appartenance sexuelle en matière d'assurance (Moniteur belge du 31 décembre 2007, p. 66175, ci-après la « loi du 21 décembre 2007 »). Le cadre juridique Le droit de l'Union 3. La directive 2004/113 a été adoptée sur le fondement de l'article 13, paragraphe 1, CE. Les premiers, quatrième, cinquième, douzième, quinzième, dix-huitième et dix-neuvième considérants de cette directive sont libellés comme suit : « 1) Conformément à l'article 6 du traité sur l'Union européenne, elle est fondée sur les principes de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'État de droit, principes qui sont communs aux États membres, et elle respecte les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales [,signée à Rome le 4 novembre 1950] et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que principes généraux du droit communautaire. [...] 4) L'égalité entre les hommes et les femmes est un principe fondamental de l'Union européenne. Les articles 21 et 23 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (ci-après la « Charte ») interdisent toute discrimination fondée sur le sexe et disposent que l'égalité entre les hommes et les femmes doit être assurée dans tous les domaines. 5) L'article 2 du traité instituant la Communauté européenne dispose que la promotion de cette égalité est l'une des tâches essentielles de la communauté. De même, l'article 3, paragraphe 2,du traité prévoit que la communauté cherche à éliminer les inégalités, et à promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes dans toutes ses actions. [...] 12) Afin de prévenir la discrimination fondée sur le sexe, la présente directive s'applique à la discrimination, tant directe qu'indirecte. Une discrimination directe ne se produit que lorsque, pour des raisons liées au sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre dans une situation comparable. Dès lors, par exemple, des différences entre les hommes et les femmes en matière de fourniture de services de santé, qui résultent des différences physiques entre hommes et femmes, ne se rapportent pas à des situations comparables et ne constituent donc pas une discrimination. [...] 15) Il existe déjà un certain nombre d'instruments juridiques mettant en oeuvre le principe de l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes dans le domaine de l'emploi et du travail. Par conséquent, la présente directive ne devrait pas s'appliquer dans ce domaine. Ce raisonnement vaut également pour les questions relatives au travail non salarié, dans la mesure où elles sont régies par des instruments juridiques existants. La présente directive ne devrait s'appliquer qu'aux assurances et aux retraites qui sont privées, volontaires et non liées à la relation de travail. [...] 18) L'utilisation de facteurs actuariels liés au sexe est très répandue dans la fourniture des services d'assurance et autres services financiers connexes. Afin de garantir l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes, l'utilisation du sexe en tant que facteur actuariel ne devrait pas entraîner, pour les assurés, de différences en matière de primes et de prestations. Pour éviter un réajustement soudain du marché, la mise en oeuvre de cette règle ne devrait s'appliquer qu'aux nouveaux contrats conclus après la date de transposition de la présente directive. 19) Certaines catégories de risques peuvent varier en fonction du sexe. Dans certains cas, le sexe est un facteur déterminant, sans nécessairement être le seul, dans l'évaluation des risques couverts. En ce qui concerne les contrats couvrant ce type de risques, les États membres peuvent décider d'autoriser des dérogations à la règle des primes et prestations unisexes, pour autant qu'ils puissent garantir que les données actuarielles et statistiques sous-jacentes sur lesquelles se fondent les calculs sont fiables, régulièrement mises à jour et à la disposition du public. Les dérogations ne sont autorisées que lorsque le droit national n'a pas déjà appliqué la règle des primes et prestations unisexe. Cinq ans après la transposition de la présente directive, les États membres devraient réexaminer la justification de ces dérogations, en tenant compte des données actuarielles et statistiques les plus récentes, ainsi que d'un rapport présenté par la Commission trois ans après la date de transposition de la présente directive. » 4. L'objet de la directive 2004/113 est défini à son article premier comme suit : « La présente directive a pour objet d'établir un cadre pour lutter contre la discrimination fondée sur le sexe dans l'accès à des biens et services et la fourniture de biens et services, en vue de mettre en oeuvre, dans les États membres, le principe de l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes. » 5. L'article 4, paragraphe 1, de cette directive prévoit : « 1) Aux fins de la présente directive,le principe de l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes signifie : a) qu'il ne peut y avoir de discrimination directe fondée sur le sexe, y compris un traitement moins favorable de la femme en raison de la grossesse et de la maternité ; b) qu'il ne peut y avoir de discrimination indirecte fondée sur le sexe. » 6. L'article 5 de ladite directive, intitulé « Facteurs actuariels », dispose : « 1) Les États membres veillent à ce que, dans tous les nouveaux contrats conclus après le 21 décembre 2007 au plus tard, l'utilisation du sexe comme facteur dans le calcul des primes et des prestations aux fins des services d'assurance et des services financiers connexes n'entraîne pas, pour les assurés, de différences en matière de primes et de prestations. 2) Nonobstant le paragraphe 1, les États membres peuvent décider, avant le 21 décembre 2007, d'autoriser des différences proportionnelles en matière de primes et de prestations pour les assurés lorsque le sexe est un facteur déterminant dans l'évaluation des risques, sur la base de données actuarielles et statistiques pertinentes et précises. Les États membres concernés en informent la Commission et veillent à ce que des données précises concernant l'utilisation du sexe en tant que facteur actuariel déterminant soient collectées, publiées et régulièrement mises à jour. Ces États membres réexaminent leur décision cinq ans après le 21 décembre 2007 en tenant compte du rapport de la Commission mentionné à l'article 16, et transmettent les résultats de ce réexamen à la Commission. 3) En tout état de cause, les frais liés à la grossesse et à la maternité n'entraînent pas, pour les assurés, de différences en matière de primes et de prestations. Les États membres peuvent reporter la mise en oeuvre des mesures nécessaires pour se conformer au présent paragraphe de deux ans au plus tard après le 21 décembre 2007. Dans ce cas, les États membres concernés en informent immédiatement la Commission. » 7. L'article 16 de la même directive, intitulé « Rapports », prévoit : « 1) Les États membres communiquent à la Commission, au plus tard le 21 décembre 2009 et ensuite tous les cinq ans, toutes les informations disponibles concernant l'application de la présente directive. La Commission établit un rapport succinct qui comporte un examen des pratiques en vigueur dans les États membres concernant l'article 5 pour ce qui a trait à l'utilisation de l'élément sexe comme facteur dans le calcul des primes et des prestations. Elle soumet ce rapport au Parlement européen et au Conseil au plus tard le 21 décembre 2010. Le cas échéant, la Commission accompagne son rapport de propositions de modification de la présente directive. Le rapport de la Commission prend en considération le point de vue des parties prenantes concernées. » 8. Selon l'article 17, paragraphe 1, de la directive 2004/113, les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 21 décembre 2007 et ils communiquent à la Commission le texte de ces dispositions sans délai. Le droit national 9. L'article 2 de la loi du 21 décembre 2007 précise que celle-ci transpose la directive 2004/113. 10. L'article 3 de cette loi contient la disposition qui remplace l'article 10 de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes pour ce qui est de l'appartenance sexuelle en matière d'assurance. 11. Le nouvel article 10 de cette dernière est désormais libellé comme suit : « § 1er. Par dérogation à l'article 8, une distinction directe proportionnelle peut être établie sur la base de l'appartenance sexuelle pour la fixation des primes et des prestations d'assurance lorsque le sexe est un facteur déterminant dans l'évaluation des risques sur la base de données actuarielles et statistiques pertinentes et précises. Cette dérogation ne s'applique qu'aux contrats d'assurances sur la vie au sens de l'article 97 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre. § 2. À partir du 21 décembre 2007, les frais liés à la grossesse et à la maternité ne peuvent en aucun cas encore entraîner de différences en matière de primes et de prestations d'assurance. § 3. La commission bancaire, financière et des assurances collecte les données actuarielles et statistiques visées au § 1er, en assure la publication le 20 juin 2008 au plus tard, puis celle des données actualisées tous les deux ans, et les publie sur son site Internet. Ces données sont actualisées tous les deux ans. La Commission bancaire, financière et des assurances est habilitée à réclamer auprès des institutions, des entreprises ou des personnes concernées les données nécessaires à cette fin. Elle précise quelles données doivent être transmises, de quelle manière et sous quelle forme. § 4. La commission bancaire, financière et des assurances fournit à la Commission européenne, au plus tard le 21 décembre 2009, les données dont elle dispose en vertu du présent article. Elle transmet ces données à la Commission européenne chaque fois qu'elles sont actualisées. § 5. Les chambres législatives évaluent, avant le 1er mars 2011, l'application du présent article sur la base des données visées aux paragraphes 3 et 4 du rapport de la Commission européenne visé à l'article 16 de la directive 2004/113/CE, ainsi que de la situation dans les autres États membres de l'Union européenne. Cette évaluation aura lieu sur la base d'un rapport présenté aux chambres législatives, dans les deux ans, par une commission d'évaluation. Par arrêté délibéré en conseil des ministres, le Roi fixe les règles plus précises en matière de composition et de désignation de la commission d'évaluation, la forme et le contenu du rapport. La commission fera notamment rapport au sujet des conséquences du présent article sur la situation du marché et examinera également d'autres critères de segmentation que ceux liés au sexe. § 6. La présente disposition n'est pas applicable aux contrats d'assurance conclus dans le cadre d'un régime complémentaire de sécurité sociale. Ces contrats sont exclusivement soumis à l'article 12. » Les faits au principal et les questions préjudicielles 12. Les requérants au principal ont introduit, devant la Cour constitutionnelle, un recours en annulation de la loi du 21 décembre 2007 transposant en droit belge la directive 2004/113. 13. Ils ont estimé que la loi du 21 décembre 2007, qui met en oeuvre la faculté de dérogation offerte par l'article 5, paragraphe 2, de la directive 2004/113, est contraire au principe de l'égalité entre les femmes et les hommes. 14. Dans la mesure où la loi du 21 décembre 2007 fait usage de la possibilité de dérogation en vertu de l'article 5, paragraphe 2, de la directive 2004/113, la Cour constitutionnelle, considérant que le recours dont elle est saisie soulève un problème de validité d'une disposition d'une directive de l'Union, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes : « 1) L'article 5, paragraphe 2, de la directive 2004/113 est-il compatible avec l'article 6, paragraphe 2 [UE], et plus spécifiquement avec le principe d'égalité et de non-discrimination garanti par cette disposition ? 2) En cas de réponse négative à la première question, le même article 5, paragraphe 2, de cette directive est-il également incompatible avec l'article 6, paragraphe 2, [UE] si son application est limitée aux seuls contrats d'assurance sur la vie ?» Sur les questions préjudicielles 15. Par la première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l'article 5, paragraphe 2, de la directive 2004/113 est valide au regard du principe d'égalité de traitement entre les femmes et les hommes. 16. L'article 6 UE, auquel se réfère la juridiction de renvoi dans ses questions, et qui est mentionné au premier considérant de la directive 2004/113, disposait à son paragraphe 2 que l'Union respecte les droits fondamentaux tels qu'ils sont garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres en tant que principes généraux du droit communautaire. Ces droits fondamentaux sont incorporés dans la Charte, qui, à partir du 1er décembre 2009, a la même valeur juridique que les traités. 17. Les articles 21 et 23 de la Charte énoncent que, d'une part, est interdite toute discrimination fondée sur le sexe et, d'autre part, l'égalité entre les femmes et les hommes doit être assurée dans tous les domaines. Le quatrième considérant de la directive 2004/113 se référant explicitement à ces articles, il convient d'apprécier la validité de l'article 5, paragraphe 2, de cette directive au regard desdites dispositions de la charte (voir, en ce sens, arrêt du 9 novembre 2010, Volker und Markus Schecke et Eifert, C 92/09 et C-93/09, non encore publié au Recueil, point 46). 18. Le droit à l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes fait l'objet de dispositions dans le traité de fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). D'une part, selon l'article 157, paragraphe 1, TFUE, chaque État membre doit assurer l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. D'autre part, l'article 19, paragraphe 1, TFUE prévoit que le Conseil, après l'approbation du Parlement, peut prendre les mesures nécessaires en vue de combattre toutes discriminations fondées sur le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle. 19. Tandis que l'article 157, paragraphe 1, TFUE établit le principe de l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans un domaine spécifique, l'article 19, paragraphe 1, TFUE constitue, pour sa part, une habilitation au Conseil que celui-ci doit exercer en se conformant, notamment, à l'article 3, paragraphe 3, deuxième alinéa, TUE, qui dispose que l'Union combat l'exclusion sociale et les discriminations et promeut la justice et la protection sociales, l'égalité entre les femmes et les hommes, la solidarité entre générations et la protection des droits de l'enfant, ainsi qu'à l'article 8 TFUE, selon lequel, pour toutes ses actions, l'Union cherche à éliminer les inégalités et à promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes. 20. Dans la réalisation progressive de cette égalité, c'est le législateur de l'Union qui, considérant la mission que l'article 3, paragraphe 3, deuxième alinéa, TUE et l'article 8 TFUE ont confiée à l'Union, détermine le moment de son intervention en tenant compte de l'évolution des conditions économiques et sociales dans l'Union. 21. Toutefois, lorsqu'une telle intervention est décidée, elle doit oeuvrer, d'une manière cohérente, à la réalisation de l'objectif visé, ce qui n'exclut pas la possibilité de prévoir des périodes transitoires ou des dérogations de portée limitée. 22. Comme le constate le dix-huitième considérant de la directive 2004/113, l'utilisation de facteurs actuariels liés au sexe était très répandue dans la fourniture des services d'assurance au moment de l'adoption de ladite directive. 23. Par conséquent, il était loisible au législateur de l'Union de mettre en oeuvre le principe de l'égalité entre les femmes et les hommes, plus précisément l'application de la règle des primes et des prestations unisexes, graduellement avec des périodes de transition appropriées. 24. C'est dans ce sens que le législateur de l'Union a prévu à l'article 5, paragraphe 1, de la directive 2004/113 que les différences en matière de primes et de prestations découlant de l'utilisation du sexe comme facteur dans le calcul de celles-ci devaient être abolies au 21 décembre 2007 au plus tard. 25. Dérogeant à la règle générale des primes et des prestations unisexes instituée par cet article 5, paragraphe 1, le paragraphe 2 du même article a, pour sa part, accordé aux États membres, dont le droit national n'appliquait pas déjà cette règle au moment de l'adoption de la directive 2004/113, la faculté de décider avant le 21 décembre 2007 d'autoriser des différences proportionnelles en matière de primes et de prestations pour les assurés lorsque le sexe est un facteur déterminant dans l'évaluation des risques, sur la base des données actuarielles et des statistiques pertinentes et précises. 26. Cette faculté, selon ce même paragraphe, sera réexaminée cinq ans après le 21 décembre 2007, en tenant compte d'un rapport de la Commission, mais, en l'absence, dans la directive 2004/113, d'une disposition sur la durée d'application de ces différences, les États membres ayant fait usage de ladite faculté sont autorisés à permettre aux assureurs d'appliquer ce traitement inégal sans limitation dans le temps. 27. Le Conseil exprime ses doutes sur le point de savoir si les situations des assurés de sexe féminin et de sexe masculin, dans le cadre de certaines branches de 1'assurance privée, peuvent être considérées comme étant comparables, étant donné que, du point de vue de la technique des assureurs, qui classent les risques sur la base des statistiques en catégories, les niveaux de risque assuré sont susceptibles d'être différents chez les femmes et les hommes. Il soutient que l'option retenue à l'article 5, paragraphe 2, de la directive 2004/113 ne vise qu'à permettre que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale. 28. Selon la jurisprudence constante de la Cour, le principe d'égalité de traitement exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu'un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C 127/07, Rec. p. I 9895, point 23). 29. À cet égard, il convient de souligner que la comparabilité des situations doit être appréciée à la lumière de l'objet et du but de l'acte de l'Union qui institue la distinction en cause (voir, en ce sens, arrêt Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., précité, point 26). En l'espèce, cette distinction est instituée par l'article 5, paragraphe 2, de la directive 2004/113. 30. Il est constant que le but poursuivi par la directive 2004/113 dans le secteur des services d'assurance est, ainsi que le reflète son article 5, paragraphe 1, l'application de la règle des primes et des prestations unisexes. Le dix-huitième considérant de cette directive énonce explicitement que, afin de garantir l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes, l'utilisation du sexe en tant que facteur actuariel ne devrait pas entraîner pour les assurés de différence en matière de primes et de prestations. Le dix-neuvième considérant de ladite directive désigne la faculté accordée aux États membres de ne pas appliquer la règle des primes et des prestations unisexes comme une « dérogation ». Ainsi, la directive 2004/113 est fondée sur la prémisse selon laquelle, aux fins de l'application du principe d'égalité de traitement des femmes et des hommes consacré aux articles 21 et 23 de la Charte, les situations respectives des femmes et des hommes à l'égard des primes et des prestations d'assurances contractées par eux sont comparables. 31. Dans ces circonstances, il existe un risque que la dérogation à l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes prévue à l'article 5, paragraphe 2, de la directive 2004/113 soit indéfiniment permise par le droit de l'Union. 32. Une telle disposition, qui permet aux États membres concernés de maintenir sans limitation dans le temps une dérogation à la règle des primes et des prestations unisexes, est contraire à la réalisation de l'objectif d'égalité de traitement entre les femmes et les hommes que poursuit la directive 2004/113 et incompatible avec les articles 21 et 23 de la Charte. 33. Par conséquent, cette disposition doit être considérée comme invalide à l'expiration d'une période de transition adéquate. 34. Eu égard à tout ce qui précède, il convient de répondre à la première question posée que l'article 5, paragraphe 2, de la directive 2004/113 est invalide avec effet au 21 décembre 2012. 35. Au vu de cette réponse, il n'y a pas lieu de répondre à la seconde question. Sur les dépens 36. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit : L'article 5, paragraphe 2, de la directive 2004/113/CE du Conseil, du 13 décembre 2004, mettant en oeuvre le principe de l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l'accès à des biens et services et la fourniture de biens et services, est invalide avec effet au 21 décembre 2012.

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