Laurent Ouazana et Bertrand de Surmont : « La réforme de l'autorégulation du courtage va tirer la profession vers le haut »
Alors que le rapprochement de leurs deux syndicats sera bientôt effectif, Bertrand de Surmont et Laurent Ouazana, respectivement présidents de la CSCA et de Planète Courtier, répondent aux critiques sur la réforme de l’autorégulation de la profession qu’ils soutiennent ardemment.

L’Argus de l’assurance : Où en est-on de la réforme de l’autorégulation du courtage ?
Bertrand de Surmont : L’agenda juridico-législatif est long. Des réunions de place ont lieu. Le processus législatif est actuellement en cours. Des projets de décrets d’application vont ensuite être rédigés. Tout cela va nous permettre de savoir quelle profondeur la direction du Trésor et l’ACPR souhaitent donner à cette délégation de service public. Pour l’instant, on connaît les têtes de chapitres. C’est sur le contenu qu’il faut avancer.
Prenons l’exemple de la formation : qu’est-ce que les futures associations devront vérifier ? Y aura-t-il un suivi individuel ou par entité ? Quid de l’agrément des organismes de formation ? De nombreuses questions ayant de fortes répercussions opérationnelles ne sont pas encore réglées.
Pensez-vous, comme Philippe Poiget, le président de l’Orias, que le calendrier est trop serré ?
Laurent Ouazana : Philippe Poiget a raison puisque la volonté du superviseur est que cette réforme entre en vigueur le 1er janvier 2020. Et pour cela, l’APCR va devoir délivrer les premiers agréments d’associations en octobre. Donc, oui, le calendrier est serré. Mais c’est normal lorsqu’on part d’une feuille blanche. Ce n’est pas un sujet simple. Sans remettre en cause le calendrier, chacun comprendra qu’une montée en charge progressive est nécessaire.
Le sujet est d’autant plus complexe qu’il ne fait pas l’unanimité…
L. O. Il y a la forme et le fond. On a entendu beaucoup d’acteurs critiquer la CSCA et Planète Courtier sur la forme, nous accusant d’avoir commencé à discuter de cette réforme en catimini avec la direction du Trésor. Mais quand les pouvoirs publics souhaitent échanger avec une profession, à qui s’adressent-ils ? Aux organisations représentatives. Il se trouve que dans le courtage, il y en a deux : la CSCA et Planète Courtier. Il est normal que le Trésor nous ait contactés. Mais ensuite, des réunions de concertation ont été engagées avec tout le secteur.
Quelles que soient les régions, les formes d’exercice de la profession, chacun aura sa place.
Laurent Ouazana, président de planète courtier
Sur le fond, cette réforme ne fait-elle pas aussi débat ?
B. S. Pour l’instant, on a surtout assisté à un travail de destruction. C’est la prime à celui qui parle en premier, quitte à asséner des contre-vérités. Les détracteurs de cette réforme l’ont présentée de manière très négative. Surtransposition, coût supplémentaire, obligation d’adhésion, niveau de contrôle supplémentaire, pouvoir disciplinaire : lorsqu’on lui présente les choses ainsi, il est normal qu’un courtier de proximité ne soit pas emballé. Mais lui a-t-on dit que ces associations avaient vocation à l’aider, qu’elles se voulaient un amortisseur réglementaire, un accompagnateur de mise en conformité ? La création de cette association ne nous fera pas perdre notre âme car celle-ci ne sera pas le bras séculier de l’ACPR. Nous serons toujours présents pour protéger nos adhérents et défendre la profession.
N’est-il pas normal que les courtiers, notamment les plus petits, se posent des questions ?
L. O. Bien sûr que si. Mais il y a des arguments qui ne sont pas acceptables. Quand April, avec lequel j’entretiens des relations d’amitié depuis toujours, dit aux courtiers : avant, vous vous faisiez contrôler par l’ACPR, demain, vous le serez par des associations – sous-entendu : les « petits » seront sous la coupe des associations, ce qui va poser un problème d’équité –, c’est faux ! L’iniquité, c’est aujourd’hui qu’elle existe ! Je souhaite qu’un cabinet de courtage, en particulier celui de petite taille, soit jugé sur la qualité des services et des produits qu’il vend, et pas sur sa capacité à respecter ou non toute la réglementation en étant dépendant d’un acteur assureur ou grossiste qui l’accompagnerait. Cette réforme va donc permettre aux courtiers de travailler plus sereinement et en toute indépendance. Car l’arbitre du marché doit rester la concurrence, et pas la capacité à respecter la réglementation.
B. S. Nous exerçons une profession qui a vécu discrètement pendant des décennies. Depuis quinze ans et l’entrée en vigueur de la DIA, il y a eu une avalanche de textes réglementaires qui oblige le métier à se professionnaliser. Ces associations n’ont d’autre but que de tirer la profession vers le haut et de la faire rayonner.
L. O. L’image de l’assurance en général n’est pas bonne dans l’esprit des Français et des pouvoirs publics. Ce projet participe aussi à la volonté de redorer notre image alors que le courtage joue un rôle essentiel dans la vie économique. Pourquoi les avocats, les experts-comptables jouissent-ils d’une meilleure opinion ? Parce qu’ils exercent des métiers qui chacun à leur manière font de l’autorégulation.
Mais tous les intermédiaires faisant du courtage ne sont pas concernés…
B. S. La question ne se pose pas pour les agents généraux car ils sont contrôlés par leurs mandantes. Idem pour ceux qui font du courtage à l’intérieur de leur agence. En revanche, les quelque 500 agents qui disposent d’une structure juridique de courtage, eux, seront bien concernés par la réforme et devront adhérer à une association. Tout comme les IOBSP ou les mandataires d’intermédiaires en assurance. L’ensemble des métiers de la distribution est régulé, d’une manière ou d’une autre.
Les détracteurs de cette réforme l’ont présentée de manière très négative.
Bertrand De Surmont, président de la CSCA
Sauf les acteurs exerçant en LPS…
B. S. Juridiquement, il est impossible de les obliger à adhérer. Mais je suis persuadé qu’un acteur exerçant en libre prestation de services sur le territoire français comprendra rapidement qu’il a tout intérêt à le faire.
Les détracteurs de la réforme s’émeuvent des pouvoirs disciplinaires confiés à ces associations et des risques de conflits d’intérêts…
L. O. Ils oublient de dire que tout cela sera encadré par des textes législatifs et réglementaires, le tout sous l’étroite surveillance du superviseur. Bref, de sérieuses garanties sur l’indépendance de ces associations et la transparence de leur mode de fonctionnement sont prévues et seront apportées aux adhérents via des procédures écrites et approuvées.
Vous pensez bien que si un courtier venait à être radié par l’une de ces associations, de nombreuses personnes se pencheraient dans les moindres détails sur la procédure menée.
La gouvernance de votre syndicat fait aussi débat…
L. O. Quelles que soient les régions, les formes d’exercice de la profession, chacun aura sa place. Quant à l’association, elle ne sera pas non plus réservée à une partie du courtage.
Le rapprochement des deux syndicats entériné en juin
Le rapprochement des deux organisations syndicales CSCA et Planète Courtier devrait être effectif début juillet, nous confient Bertrand de Surmont et Laurent Ouazana. Entamé il y a plusieurs mois, le processus devrait en effet aboutir fin juin, lors d’une assemblée générale mixte. Cette AG devrait entériner cette union, qui sera rétroactive au 1er janvier. Quel sera le nom de ce nouveau syndicat dont les adhérents de la CSCA et de Planète Courtier deviendront membres début juillet ? Celui-ci n’a pas encore été fixé… un groupe de travail interne aux deux entités est chargé d’y réfléchir.
Quid des moyens humains de l’association ?
B. S. Même si de nombreux sujets restent à trancher, nous avons commencé à nous pencher sur cette question, bien sûr. Il va y avoir de gros investissements à faire, des ressources humaines à déployer. Cette association comptera peut-être vingt, trente, voire cinquante salariés. Tout dépendra où les pouvoirs publics mettront le curseur quant aux missions qui lui seront confiées.
Le syndicat et l’association auront-ils des salariés en commun ?
B. S. Il s’agit de deux structures juridiques distinctes… mais il est un peu tôt pour répondre à cette question. En effet, ce qui n’est pas tranché, c’est à quel point on pourra mutualiser les moyens entre ces deux entités sachant que le but est d’avoir un coût d’adhésion le plus faible possible.
C’est-à-dire ?
L. O. Il ne faudrait pas que cela dépasse 500 € / an. Mais ce montant variera peut-être selon certains critères. Exemple : si la future association doit suivre le niveau de formation salarié par salarié, il est évident que ça ne coûte pas la même chose de le faire pour une structure de trois salariés et pour une entreprise qui compte plus de 1 000 collaborateurs. Mais plus on aura d’adhérents, plus on pourra mutualiser le coût de fonctionnement de l’association.
Combien d’adhérents visez-vous ?
B. S. Nous pensons que la quasi-totalité des adhérents de nos deux syndicats rejoindront l’association que nous allons créer. Soit quelque 2 200 professionnels. Si on ajoute les courtiers actuellement non syndiqués, je pense que le premier seuil qu’il faut avoir en tête, c’est celui de 5 000 membres. Mais l’adhésion à ces associations étant un préalable à l’inscription à l’Orias, il n’est pas impossible que le nombre d’adhérents soit supérieur.
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