Pourquoi April change de directeur général
Nommé en remplacement d’Emmanuel Morandini à la tête du premier courtier grossiste de France, Éric Maumy est chargé de poursuivre la rationalisation de l’activité, tout en développant et digitalisant l’entreprise.

C’est l’un des événements de cette rentrée : Emmanuel Morandini, directeur général d’April depuis 2016, a été débarqué par son nouvel actionnaire majoritaire, le fonds d’investissement britannique CVC Capital Partners. Il a été remplacé par Éric Maumy, qui venait de démissionner, fin août, de son poste de DG du courtier Verlingue. Annoncé le 5 septembre, le départ d’Emmanuel Morandini est une demi-surprise même si, en interne, plusieurs salariés se disaient « persuadés que c’était lui qui allait porter la nouvelle feuille de route, Transformation 2022, suite au départ de Bruno Rousset (NDLR : le fondateur d’April, qui a cédé définitivement l’entreprise à CVC en juin dernier) ».
Impératif de rentabilité
Certes, sous la direction d’Emmanuel Morandini, le groupe lyonnais affichait un bon résultat opérationnel (49,5 M€ au premier semestre, +17,5 %). Le résultat net (14 M€), en revanche, était en retrait de 49 %. Plus globalement, c’est la rentabilité économique qui pose question. Avec un taux de rentabilité global de 2,8 % en 2018, le groupe se démarque de ses concurrents par sa forte intensité capitalistique, qui l’oblige à consommer beaucoup de capital pour générer de la rentabilité sur son cœur de métier. « Maintenant que CVC est là, ça n’est pas suffisant », décrypte un courtier. « On parle là d’un fonds d’investissement international ayant de fortes attentes, ajoute un banquier d’affaires. Or, depuis que CVC était entré au capital d’April, la confiance en la direction n’était pas totale. »
Pour les responsables de CVC (parmi lesquels Jean-Christophe Germani et Meritxell Maestre, qui siègent au conseil d’administration d’April), un changement s’imposait. Avant l’été, ils se sont mis en quête d’un remplaçant, quelques dirigeants du secteur leur faisant même des appels du pied alors que le poste n’était pas officiellement à pourvoir. Leur choix s’est porté sur Éric Maumy, dont le profil peut surprendre. Car entre Verlingue, spécialiste de l’assurance d’entreprises, et April, ce n’est pas le même monde. « Il a fait du très bon boulot chez Verlingue. Mais cela n’a rien à voir avec April, observe un dirigeant du secteur. C’est un autre univers. Il va être attendu car ce n’est pas le même métier, ni la même échelle. »
Mais c’est le genre d’offre qui ne se refuse pas. « Je rejoins une entreprise performante, numéro un dans son domaine, avec un actionnaire et des équipes qui portent un ambitieux projet de développement, se réjouit Éric Maumy. J’ai quitté une entreprise d’entrepreneurs pour une autre entreprise d’entrepreneurs. C’est formidable d’arriver dans un groupe qui a cet ADN. » Un groupe qu’il va devoir continuer à simplifier et rationaliser, poursuivant ainsi le travail de son prédécesseur qui, depuis 18 mois, avait entrepris de recentrer les activités de l’entreprise sur le courtage et sur cinq marchés : l’emprunteur, la santé et la prévoyance, les pros / TPE, le dommage de niches et la santé à l’international.
La cession d’une dizaine de filiales peu rentables est également plus que jamais d’actualité. « Nous précédons à des cessions d’entités qui ne sont pas stratégiques pour April et qui le sont pour d’autres acteurs », reconnaît Éric Maumy, précisant que ce travail a été engagé « avant l’arrivée du nouvel actionnaire ». Une manière de dire que, CVC ou pas, ces cessions auraient eu lieu. Mais, socialement, le sujet est sensible. En juin, Emmanuel Morandini ne confiait-il pas que ces ventes pourraient se traduire, à terme, par une réduction de près d’un quart des effectifs ?
Objectif : agilité
« Les fonds d’investissement raisonnent en termes de ratio, rappelle un acteur du secteur. Parmi les courtiers grossistes, quand on compare le nombre d’équivalents temps pleins aux portefeuilles, on peut se demander s’il n’y a pas des sureffectifs chez April. La nouvelle direction et le fonds vont rationaliser l’entreprise. Cela va créer une période de trouble, mais ensuite, ils vont revenir très fort, c’est certain. » Interrogé sur ce sujet, Éric Maumy insiste sur sa volonté de s’appuyer sur les femmes et les hommes en place. À tous les étages.
Un groupe qu’il va s’atteler à transformer en intensifiant, aussi, sa digitalisation. À l’instar de ce qu’il a entrepris (et réussi) chez Verlingue. « April s’est engagé de façon très énergique dans la transformation digitale, précise-t-il. Nous allons aller encore plus loin et encore plus vite, le time to market étant la clef. » En clair, pour le nouveau DG, il est vital d’être en mesure de proposer de nouveaux produits et services dans des délais beaucoup plus courts. Une agilité qui passera par une modernisation des systèmes d’information : « Il y a un enjeu d’urbanisation des SI, qui doivent absolument devenir plus communicants pour pouvoir être exposés à l’extérieur (NDRL : via des API) », confie le DG.
Ça n’est sans doute pas un hasard si, selon des sources internes à l’entreprise, l’arrivée de deux recrues au profil très digital a été annoncée. Il s’agit de deux anciens d’Adélaïde, la maison mère de… Verlingue. Le premier, Jean-François Faye, est un ancien d’Axa Group Solutions, qui fut numéro 2 du courtier Génération, une autre filiale d’Adélaïde, groupe où il s’affirma aussi comme un spécialiste de la refonte des SI. Le second, Sébastien Limousin, n’est autre que l’ex-DG de Coverlife, autre filiale d’Adélaïde spécialisée dans la vente en ligne de santé et prévoyance pour les particuliers. Ce fin connaisseur de la relation client devrait se voir confier la responsabilité de la distribution et du digital. Un poste hautement stratégique.
Un nouveau plan stratégique
Quid d’Hamid Benamara, ex-directeur général du comparateur Lesfurets.com, recruté par Emmanuel Morandini, et dont le périmètre d’action devrait s’articuler autour de la communication, des RH et du digital, précisément, à compter du… 1er septembre ? Les périmètres, missions et responsabilités des uns et des autres devraient être rapidement clarifiées. Quoi qu’il en soit, l’équipe de direction, composée d’anciens de la maison et de nouveaux arrivants, a d’ores et déjà commencé à élaborer un plan stratégique. « Début 2020, nous serons en mesure de préciser les ambitions pour April en 2023. » Elles devraient être en ligne avec le maître mot du communiqué du conseil d’administration annonçant, le 5 septembre, le changement de gouvernance : le développement rentable.
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