Le sort de la fiscalité des garanties pannes mécaniques en est jeté

La garantie pannes mécaniques est soumise à la taxe sur les conventions d’assurances. C’est la conclusion d’un long parcours judiciaire qui a conduit la Cour de justice de l’Union européenne à prendre position sur la notion d’opération d’assurance.

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Le sort de la fiscalité des garanties  pannes mécaniques en est jeté

La décision de la Cour de justice de l’Union européenne (1) était très attendue, concernant les schémas de garantie mécanique relative aux véhicules d’occasion, et dont la gestion est confiée à un tiers. Comme nous le redoutions, cette décision illustre la manière dont la mise en œuvre contractuellement ambigüe d’un schéma de garantie usuel a conduit les juges à retenir une solution qui va à l’encontre de l’analyse pragmatique qui aurait dû prévaloir.

Une qualification difficile

En principe, toute opération réalisée à titre onéreux par un assujetti qui exerce une activité économique de manière indépendante est soumise à la TVA. Toutefois, les opérations d’assurance appartiennent à la catégorie d’opérations que la loi exonère de cette taxe. En l’absence de définition « fiscale » de l’opération d’assurance, la jurisprudence européenne a élaboré au fur et à mesure (2) les éléments à prendre en compte pour qualifier cette opération. En revanche, sont en principe assujetties à la TVA dans les conditions de droit commun les garanties complémentaires proposées par des constructeurs ou revendeurs afin de prolonger la garantie légale et commerciale initiale. Généralement, ce type de garantie complémentaire est traité comme accessoire au prix de vente initial et est, à cet égard, soumis à la TVA. Au cas présent, la société Mapfre Warranty Spa intervient dans un schéma de garantie proposée dans le cadre de vente de véhicules d’occasion. En pratique, les garagistes revendeurs proposent à leurs clients de souscrire une garantie complémentaire en cas de pannes mécaniques ou de problèmes inhérents au véhicule acheté. Si le client accepte, la prestation de garantie est donc réalisée par la société Mapfre Warranty Spa.

La société Mapfre Warranty Spa a considéré que ces activités de prestations de garantie étaient imposables de plein droit à la TVA en France. Cette position n’a toutefois pas été partagée par l’administration fiscale française, qui estimait que ces opérations devaient s’analyser comme une opération d’assurance exonérée de la TVA et que la société Mapfre Warran­ty Spa était donc redevable de la taxe sur les conventions d’assurance (TCA).

Après plusieurs décisions des juridictions françaises inférieures qui ont donné droit à la position de l’administration fiscale, la Cour de cassation (3), saisie du dossier, a décidé de poser une question préjudicielle à la CJUE : « La prestation réalisée par une société indépendante du revendeur de véhicules, moyennant le paiement d’une somme forfaitaire, consistant à garantir la panne mécanique susceptible d’affecter certaines pièces du véhicule d’occasion, est-elle une opération d’assu­rance au sens de la TVA ou, au contraire, une prestation de services ? ».

La notion d’opération selon les juges supranationaux

La Cour débute son analyse en se fondant sur les principes dégagés dans sa jurisprudence la plus récente (4), dans laquelle il est rappelé qu’une opération d’assurance se caractérise par le fait que l’assureur se charge, moyennant le paiement préalable d’une prime, de procurer à l’assuré, en cas de réalisation du risque couvert, la prestation convenue lors de la conclusion du contrat. En vertu de cette jurisprudence, les opérations d’assurance impliquent par nature l’existence d’une relation contractuelle entre le prestataire de services d’assurance et l’assuré.

Selon la Cour, il est possible d’identifier les éléments qui, à eux seuls, permettent de qualifier un service d’une opération d’assurance et qui sont présents au cas d’espèce :

- un assuré, représenté par l’acheteur du véhicule ;

- un assureur, Mapfre Warranty Spa ;

- le risque, qui correspond à la nécessité pour l’acheteur du véhicule de payer les réparations en cas de panne relevant de la garantie. C’est l’assureur Mapfre Warranty Spa qui s’engage à couvrir ce coût ;

- la prime, payée par l’acheteur du véhicule.

En outre, la Cour s’intéresse à la question du traitement fiscal différent de services similaires invoqué par la société Mapfre Warranty Spa, selon laquelle les garanties supplémentaires accordées par les constructeurs ou par les vendeurs de véhicules sont traités comme des services après-vente et soumis à TVA. Par conséquent, le fait de traiter ces garanties différemment de celles proposées par la société dans l’affaire en cause serait contraire à la neutralité de la TVA.

Sur ce point, la CJUE estime que la société Mapfre Warranty Spa n’est pas dans une situation comparable à celle d’un constructeur et affirme que la garantie offerte par Mapfre Warranty Spa en l’espèce constitue un service complémentaire par rapport à l’opération de livraison du véhicule dans la mesure où l’acheteur peut décider de ne pas souscrire une telle garantie, ou choisir de conclure une telle convention avec une autre société. De plus, la garantie est fournie par Mapfre Warranty Spa, à savoir par une société indépendante du revendeur de véhicules.

Au regard de tous ces éléments, sous réserve de la décision de la juridiction de renvoi française quant au critère d’indépendance des prestations, la Cour considère que la prestation de garantie réalisée par Mapfre Warranty Spa est une opération d’assurance distincte et indépendante de la vente du véhicule d’occasion, et doit donc être appréhendée séparément du point de vue de la TVA.

Une approche trop conservatoire

Si la solution de la CJUE peut être selon nous globalement approuvée sur le plan de la technique fiscale compte tenu du lien contractuel direct qui existait entre le fournisseur de garantie et l’assuré, il est certain que cette décision ne facilite pas l’émergence d’une frontière claire entre opération d’assurance et service de garantie complémentaire. La solution est d’autant plus délicate à manier que la Cour admet dans cette même décision que le régime des garanties constructeurs/revendeurs doit rester un îlot taxable au sein du régime des garanties assurantielles.Une lecture un peu rapide de la décision pourrait conduire à penser que, selon les juges, les critères de l’opération d’assurance dans un schéma de garantie tel que celui en cause au principal seront remplis quel que soit le schéma contractuel retenu. À cet égard, et comme rappelé ci-avant, les juges estiment que leur analyse devrait rester invariable quel que soit le rôle du revendeur (intermédiaire, commissionnaire, délégataire). Aussi, d’aucuns pourraient considérer que la structuration contractuelle d’un tel schéma ne revêt qu’une importance limitée voire de second plan. Or, selon nous, cette décision met au contraire en exergue l’importance décisive de la structuration des relations contractuelles ; la décision se fonde précisément sur l’existence d’un lien contractuel permettant à l’assuré d’actionner directement la société Mapfre Warranty Spa. La décision eût peut-être été différente si Mapfre Warranty Spa avait agi en qualité de simple sous-traitant à l’endroit des revendeurs, sans que les acheteurs des véhicules n’eussent de recours direct à l’égard du « gestionnaire ».

Dans ces conditions, on ne saurait que trop recommander aux opérateurs de s’assurer de la robustesse de leurs schémas contractuels afin d’anticiper au mieux le poids des obligations fiscales dans leurs modèles finan­ciers.

(1) CJUE, 16 juillet 2015, aff. C-584/13, 5e ch. : « Directeur général des finances publiques contre Mapfre Asistencia compania internacional de seguros y reaseguros SA et Mapfre Warranty Spa contre directeur général des finances publiques ».
(2) Inter alia, CJUE, 17 janvier 2013, aff. C-224/11, 6e ch. : « BGŽ Leasing sp. z o.o. contre Dyrektor Izby Skarbowej w Warszawie », pt. 58 ; CJCE du 20 nov. 2003, aff. C-8/01, 5e ch., Taksatorringen, pt. 39.
(3) Com., 13 novembre 2013, n° 12-15361 ; 12-15419.
(4) Voir, supra, CJUE, 17 janvier 2013, aff. C-224/11, 6e ch. : « BGŽ Leasing sp. z o.o. contre Dyrektor Izby Skarbowej w Warszawie ».

Cédric Lantonnois Van Rode et Al ain Guérineau, avocats chez EY

à retenir

  • Une opération d’assurance, non soumise à la TVA, se caractérise par le fait que l’assureur se charge, moyennant le paiement d’une prime, de procurer à l’assuré, en cas de réalisation du risque couvert, la prestation convenue lors de la conclusion du contrat.
  • La garantie panne mécanique, opération d’assurance, est soumise à la TCA à 18 %.

Dernière minute : l’arrêt de renvoi de la Cour de cassation

Par son arrêt du 24 novembre 2015 (n° 12- 15.419), la chambre commerciale de la Cour de cassation a confirmé les conclusions du juge européen. Les Sages ont notamment repris les critères définissant une opération d’assurance élaborés par la jurisprudence européenne pour conclure que la prestation de garantie réalisée par Mapfre Warranty les remplit intégralement et devait par suite être considérée comme une opération d’assurance exonérée de TVA et soumise à la TCA. On notera, que les juges ne sont pas allés sur le terrain de la notion d’opération « accessoire ». L’argument, évoqué par la CJUE, paraissait au demeurant difficilement applicable dès lors que, in fine, les services avaient été rendus par deux prestataires.

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Par son arrêt du 24 novembre 2015 (n° 12- 15.419), la chambre commerciale de la Cour de cassation a confirmé les conclusions du juge européen. Les Sages ont notamment repris les critères définissant une opération d’assurance élaborés par la jurisprudence européenne pour conclure que la prestation de garantie réalisée par Mapfre Warranty les remplit intégralement et devait par suite être considérée comme une opération d’assurance exonérée de TVA et soumise à la TCA. On notera, que les juges ne sont pas allés sur le terrain de la notion d’opération « accessoire ». L’argument, évoqué par la CJUE, paraissait au demeurant difficilement applicable dès lors que, in fine, les services avaient été rendus par deux prestataires.

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