Vers un renforcement de l'obligation d'information de l'assuré par l'assureur

Depuis le début de l'année 2011, plusieurs arrêts rendus par la Cour de cassation viennent accentuer l'obligation d'information de l'assureur envers l'assuré en matière de prescription biennale, tant au regard du domaine d'application de l'obligation que de la notion même de rappel des dispositions de la loi.
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Vers un renforcement de l'obligation d'information de l'assuré par l'assureur
La jurisprudence sanctionne l'inobservation des dispositions par l'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription édicté par l'article L. 114-1.

Contrairement à ce que dit la loi, les contrats d'assurance vie sont concernés par l'obligation d'information de l'article R. 112-1 du code des assurances. Selon cette disposition, la police d'assurance doit rappeler les dispositions de la loi concernant la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance, à savoir les articles L. 114-1, L. 114-2 et L. 114-3. Ces articles précisent le délai de la prescription, son point de départ et ses causes d'interruption, ainsi que l'interdiction de tout aménagement contractuel. Or, selon le décret n° 2006-740 du 27 juin 2006, l'article R. 112-1 n'est applicable qu'aux contrats d'assurance non-vie. Pour autant, la Cour de cassation ne se prive pas de l'appliquer également aux contrats d'assurance sur la vie.

Dans le cadre du « devoir général d'information »

Ainsi, dans un arrêt rendu le 17 mars 2011 qui reprend une jurisprudence constante, la Cour précise que l'obligation d'information de l'article R. 112-1 « s'inscrit dans le devoir général d'information de l'assureur qui lui impose de porter à la connaissance des assurés une disposition qui est commune à tous les contrats d'assurance » (Civ. 2e, 17 mars 2011, n° 10-15.267 et 10-15.864). De même, elle a précisé, dans un arrêt du 3 février 2011, que la prescription, portée à dix ans pour les contrats d'assurance sur la vie par l'article L. 114-1, ne peut s'appliquer à l'assuré négligeant dans le cadre d'un contrat d'assurance comportant des prestations de nature différente (Civ. 2e, 3 février 2011, n° 10-11519).

En l'espèce, dans le cadre d'un contrat d'assurance de groupe comportant une garantie visant la constitution par capitalisation d'une retraite complémentaire, et une garantie relative à la prise en charge des cotisations en cas d'incapacité totale de travail, un assuré demande l'exécution de la garantie prévue en cas d'incapacité de travail tout en voulant faire jouer la prescription décennale relative à l'assurance sur la vie. La Cour de cassation s'y oppose en affirmant que son action reste soumise à la prescription biennale.

Attention aux dispositions imprécises ou incomplètes

Ensuite, les dispositions prévues aux articles L. 114-1, L. 114-2 et L. 114-3 doivent impérativement figurer dans le contrat d'assurance, sous peine d'inopposabilité de la prescription à l'assuré. Si la sanction du défaut de mentions obligatoires n'est pas prévue par la loi, la jurisprudence s'est chargée d'attribuer une sanction à l'article R. 112-1 afin de le rendre pleinement effectif. Elle précise ainsi que l'inobservation de ces dispositions est sanctionnée par l'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription édicté par l'article L. 114-1, quelles que soient les connaissances de l'assuré dans ce domaine.

Par rappel des dispositions légales, il faut entendre reproduction intégrale des textes des articles L. 114-1 et suivants. Il ne faut donc pas se contenter d'un simple renvoi aux articles du code sur la prescription sans détailler leur contenu. C'est ce que précise la Cour de cassation dans deux arrêts rendus le 28 avril 2011.

Le premier arrêt concerne la mention afférente aux causes d'interruption de la prescription. Dans cette espèce, un contrat se bornait à indiquer que « toutes actions dérivant du présent contrat sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y a donné naissance, dans les termes des articles L. 114-1 et L. 114-2 du code des assurances », sans autre précision. Selon la Cour, cette mention est insuffisante, et le rappel exhaustif de l'ensemble des causes d'interruption de la prescription biennale dans les conditions générales de la police est impératif.

Le seul renvoi à l'article L. 114-2 prive l'assureur du droit d'opposer la prescription biennale (Civ. 3e, 28 avril 2011, n° 10.16269). En ce sens, la cour d'appel de Paris précise d'ailleurs, dans un arrêt du 15 mars 2011, qu'une information erronée sur le mode d'interruption de la prescription donnée par l'assureur dans les conditions générales des contrats équivaut à une absence d'information (CA Paris, 15 mars 2011, n° 08/03675).

Le second arrêt du 28 juin 2011 est relatif à la mention des différents points de départ du délai de prescription. En l'espèce, un contrat d'assurance de responsabilité indiquait simplement que « toute action dérivant du présent contrat est prescrite par deux ans. Ce délai commence à courir du jour de l'événement qui donne naissance à cette action, dans des conditions déterminées par l'article L. 114-1 du code des assurances ». Il ne reprenait cependant pas les mentions de l'article L. 114-1 relatives aux différents points de départ possibles du délai de prescription, et notamment que, quand l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai de la prescription court à compter du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ou a été indemnisé par ce dernier (Civ. 2e, 28 avril 2011, n° 10-16403). Ici encore, la sanction de cette défaillance a été, pour la Cour, l'inopposabilité de la prescription biennale.

Enfin, le 10 février 2011, la Cour de cassation a mis à la charge de l'assureur l'obligation de fournir une information à l'assuré sur la prescription au moment du sinistre, au titre d'un contrat de protection juridique. L'obligation contractuelle d'information présente l'avantage de dispenser l'assureur de fournir une information sur la prescription au moment de la survenance du sinistre : l'assureur n'est pas tenu de rappeler à l'assuré les modes d'interruption de la prescription biennale, puisque ceux-ci sont nécessairement mentionnés dans la police, ni d'informer l'assuré du risque d'expiration du délai de prescription. Toutefois, il en est désormais autrement lorsque l'assureur s'engage contractuellement à fournir à l'assuré, lors de la survenance d'un sinistre, tous conseils sur l'étendue de ses droits et la façon d'organiser sa défense, sur la façon de présenter sa demande et de défendre en justice ses intérêts.

C'est le cas, pour la jurisprudence, en matière de protection juridique. Ainsi, suite à la survenance d'un sinistre, l'assureur de protection juridique doit informer l'assuré de l'existence de la prescription biennale et lui conseiller d'accomplir des actes interruptifs afin d'éviter que sa demande ne soit prescrite (Civ. 2e, 10 fév. 2011, n° 10-11.571).

Mettre les polices en conformité au plus vite

En outre, il convient de rappeler que la Cour de cassation estime, en tout état de cause, que tout assureur peut voir sa responsabilité recherchée si la demande de l'assuré se trouve prescrite par sa faute. C'est ce qu'elle a fait dans un arrêt du 3 mars 2011. Dans cette espèce, face au silence prolongé de l'assureur, un assuré a été contraint d'agir en justice pour obtenir le paiement de l'indemnité qui lui était due avant que la prescription ne soit acquise. La Cour a considéré que l'attitude de l'assureur constituait une résistance abusive passible de dommages-intérêts (Civ. 2e, 3 mars 2011, n° 09-69674). En conclusion, si les assureurs veulent continuer à pouvoir librement opposer la prescription à leurs assurés, ils devront nécessairement veiller à mettre dès que possible les conditions générales de leur police en conformité avec ce renforcement du contenu de l'information.

UNE OBLIGATION APPLICABLE AUX CONTRATS D'ASSURANCE VIE MALGRÉ LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES
  • -Dans sa version d'origine, l'article R. 112-1 imposait que les dispositions légales relatives à la prescription soient rappelées dans les « polices d'assurance des entreprises mentionnées au 5° de l'article L. 310-1 », soit les entreprises d'assurances de toute nature, étant précisé que l'assurance sur la vie se situait au 1°. Dans sa rédaction issue du décret du 27 juin 2006, l'article R. 112-1 impose l'obligation d'information dans les polices « relevant des branches 1 à 17 de l'article R. 321-1 », soit les branches concernant les assurances non-vie : accidents, maladie, responsabilité, dommages aux biens, crédit, caution, pertes pécuniaires et protection juridique. Même si les textes ne soumettent pas l'assurance sur la vie à l'obligation de l'article R. 112-1, la Cour de cassation exige son application.

À RETENIR
  • Selon l'article R. 112-1, la police d'assurance doit rappeler les dispositions légales concernant la prescription. La Cour de cassation exige que l'assureur reproduise intégralement les textes des articles L. 114-1 et suivants, sous peine de se voir interdire d'opposer la prescription à son assuré.
  • Un simple renvoi aux articles du code n'est pas suffisant. Toutefois, cette information contractuelle dispense l'assureur de fournir une information sur la prescription au moment de la survenance du sinistre.

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