Le lent démarrage des unités de compte en private equity
Levier de financement des entreprises, les unités de compte en private equity souffrent encore de nombreux freins. La loi Pacte, portée par Bruno Le Maire, pourrait contribuer à leur développement, via quelques ajustements législatifs.
Géraldine Bruguière-Fontenille

«Développer davantage d’offres d’assurance vie en UC fonds propres en rendant ces dispositifs accessibles à une clientèle plus large, et pas seulement aux clients gestion privée. » Telle fut l’une des propositions formulées par les assureurs lors du Grand rendez-vous de l’investissement productif, organisé le 22 janvier à l’Assemblée nationale en vue de réfléchir à un meilleur fléchage de l’épargne vers les entreprises. Doper les unités de compte ? La loi Macron du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances avait pourtant déjà ouvert la voie aux supports en capital investissement dans le cadre d’un contrat d’assurance vie ou de capitalisation avec remise en titres en cas de demande de rachat ou de décès du souscripteur. C’est d’ailleurs à Bercy qu’Axa avait lancé dans la foulée sa première unité de compte en private equity. Depuis, trois autres acteurs lui ont emboîté le pas : CNP Assurances avec CNP PEPS, BNP Paribas Cardif et Generali. Avec, à chaque fois, le même objectif : le financement de l’économie, principe même du capital investissement, qui se caractérise par des participations majoritaires ou minoritaires au capital de sociétés, généralement non cotées, pour une durée d’environ cinq ans.
La création de ces supports permettait aussi aux assureurs d’offrir aux épargnants une voie de diversification supplémentaire face à l’érosion continue des rendements des fonds en euros. Une étude de juin 2017 de l’Afic (association française des investisseurs pour la croissance) et du cabinet de conseil EY en atteste : le capital investissement français surperforme les autres classes d’actifs sur dix ans, avec un rendement de 8,7 %, contre 3 % pour le CAC 40 ou 5,2 % pour l’immobilier. « Nos supports visent notamment une rentabilité comprise entre 7 et 10 % », relève Bruno Valersteinas, directeur partenariats banques et entreprises à BNP Paribas Cardif, tandis que, du côté d’Axa, on avance le chiffre de 3,59 % depuis l’origine et hors frais du contrat.
La part des unités de compte reste faible
Pourtant, les sommes collectées sur ces unités de compte sont encore faibles : 400 000 € pour Generali, dont le support a moins d’un an. « Sur cette unité de compte, il n’y a pas encore d’historique de performance », explique Sonia Fendler, membre du comité exécutif de Generali France, en charge de la clientèle patrimoniale. « Avec 150 clients pour 15 M€, le démarrage de notre unité de compte prend un peu de temps », reconnaît également Olivier Mariée, directeur des ventes et de la distribution d’Axa France. « C’est une classe d’actifs encore peu connue par les conseillers, et il a fallu faire de la pédagogie auprès de nos réseaux. » Seul Cardif, qui a lancé trois offres distinctes entre 2016 et 2017, estime que la collecte, « de plusieurs millions d’euros », a dépassé ses attentes.
Il faut dire que, pour l’heure, les assureurs qui ont tenté le pari du private equity dans leurs contrats d’assurance vie, réservent ces supports à une clientèle avertie, celle des banques privées, du segment wealth management ou des CGPI. Selon les assureurs, les conseillers en gestion de patrimoine se montrent d’ailleurs intéressés par le support. Mais de là à l’ouvrir à une cible plus large, il y a un pas. « Aujourd’hui, nous réservons ce support à une clientèle avertie. Cela reste des véhicules nouveaux dans l’assurance vie, qui portent une part de risque et qui sont illiquides, au moins partiellement », reconnaît Bruno Valersteinas. Et c’est bien là la principale difficulté à laquelle sont confrontés les assureurs vie. Si les supports en unités de compte offrent l’avantage de faire porter le risque de perte sur l’épargnant et, par là même, nécessitent de mobiliser moins de fonds propres, le private equity reste en effet une classe d’actifs qui pâtit d’un manque de liquidité.
Les assureurs restent frileux
Lors de l’élaboration de la loi Macron, c’est ce qui posait – déjà – problème. À l’époque, une question était souvent pointée en matière d’investissement en private equity : qui, de l’assureur ou de l’épargnant, devait porter le risque de liquidité ? Dans le texte d’août 2015, la question fut partiellement réglée, avec la possibilité de remettre des titres au moment du rachat ou du décès. Sauf que la remise en titre nécessite l’accord du bénéficiaire. Une démarche contraignante qui pousse certains assureurs à prévoir une sortie en capital en cas de décès. Et, donc, à porter eux-mêmes le risque de liquidité. C’est le choix fait par Generali, Axa et CNP Assurances, qui va plus loin en proposant systématiquement une remise en capital.
Afin d’assouplir cette contrainte, les assureurs défendent donc un changement du cadre législatif pour les véhicules pouvant accueillir ces unités de compte. Comme l’indique Olivier Mariée, « nous envisageons d’étendre l’offre au grand public mais, pour cela, nous souhaitons que soit créé un véhicule spécifique, à l’image des organismes de placement collectifs immobiliers (OPCI), qui permettent de rendre liquides les investissements en private equity, qui ne le sont pas. » Ces unités de compte sont, pour l’heure, logées majoritairement dans des fonds communs de placement à risque (FCPR).
Un Pacte pour convaincre les épargnants
La raison est simple, rappelle Sonia Fendler : « Pour contourner la problématique d’illiquidité, l’unité de compte prend la forme d’un fonds commun de placement à risque qui investit à la fois dans des entreprises non cotées et des OPCVM small et mid caps, ce qui rend le fonds pour partie liquide, et permet de payer les rachats sans puiser dans nos fonds propres. » Autre assouplissement proposé à Bercy : augmenter le plafond d’investissement en private equity dans les contrats d’assurance vie. Celui-ci est aujourd’hui limité à 10 % de l’encours. Les assureurs souhaiteraient le relever. « Je suis favorable à ce que l’on fasse évoluer la part d’investissement en private equity dans l’encours des épargnants à 30 % », milite ainsi Sonia Fendler.
Reste à convaincre le gendarme de l’assurance. Or le régulateur, chargé de la protection des consommateurs, « est encore méfiant sur ces placements », confie la dirigeante de Generali. La balle est donc dans le camp de Bercy. En levant ces freins au développement des unités de compte en private equity, la loi Pacte, portée par Bruno Le Maire, permettrait de convaincre davantage d’assureurs de proposer ce type de support, qui emporte l’adhésion d’une certaine catégorie d’épargnants, en particulier les chefs d’entreprises.
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