LE SILENCE PEUT CONSTITUER UN DOLL'assureur ne prouve pas avoir informé sa cliente de la disparition de la garantie vol dans son nouveau contrat auto, alors que la prime augmentait fortement. Il a commis un dol. Le contrat en cause est nul.
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LE SILENCE PEUT CONSTITUER UN DOL
L'assureur ne prouve pas avoir informé sa cliente de la disparition de la garantie vol dans son nouveau contrat auto, alors que la prime augmentait fortement. Il a commis un dol. Le contrat en cause est nul.
Propriétaire d'une 306 Peugeot, Sandra H. souscrit le 2 mai 1995 une police d'assurance automobile auprès de la compagnie UAP (devenue Axa). Garantie vol comprise, la prime s'élève à 2 596 F. Mais, en moins d'un an, elle subit quatre sinistres matériels et l'UAP résilie son contrat, le 2 mai 1996. Cinq jours plus tard, Sandra H. rend visite à l'agent général. La copie d'une transaction informatique établit qu'un nouveau contrat est conclu moyennant une prime trimestrielle de 6 664 F, réglée le jour même. La nouvelle police est établie le 13 mai et envoyée à l'assurée avec la quittance, la carte verte et les conditions particulières... dont aucun exemplaire signé par Sandra H. ne sera retrouvé par l'UAP. Or, ce nouveau contrat ne comporte plus de garantie vol, dixit l'assureur ; c'est pourquoi, lorsque le véhicule assuré est dérobé, le 25 septembre 1996, la compagnie refuse sa garantie. Sandra H. saisit le tribunal de grande instance de Paris. Assignant la compagnie et son agent, elle plaide ne pas avoir été informée de la suppression de la garantie vol dans la nouvelle police. Pour elle, le comportement de l'assureur et de son agent constitue un vol par réticence justifiant la nullité du contrat en cause. Elle réclame, outre le remboursement de la prime versée, 30 000 F de dommages et intérêts. La compagnie d'assurances rétorque que le contrat, conclu après résiliation du contrat initial pour risques aggravés, ne comportait pas de garantie vol. Selon elle, il avait été adressé à sa cliente et cette dernière, qui avait immédiatement réglé la prime correspondante, en avait évidemment approuvé les termes. De plus, avance l'UAP, la 306 a été retrouvée en cours de procédure et restituée à sa propriétaire. Il n'y a donc plus de préjudice à réparer.
Pas de lien entre les sinistres précédents et la garantie disparue
Le 1er octobre 1998, le TGI tranche en faveur de l'assurée. La garantie vol n'existait plus dans le seul contrat en vigueur au moment du vol de la voiture, " mais l'UAP ne produit pas d'exemplaire du deuxième contrat signé par le bénéficiaire ". Dès lors, poursuivent les juges, si l'assurée a bien payé la prime majorée, aucun élément au dossier ne prouve qu'elle avait été informée de la suppression de la garantie vol. " Ainsi, tranche le TGI, le défaut d'information sur un élément aussi déterminant constitue une réticence dolosive justifiant la demande en nullité [du contrat]. Les sinistres ayant justifié la résiliation du premier contrat étaient de nature purement matérielle et, au vu de l'augmentation de la prime [...], Sandra H. pouvait raisonnablement penser qu'elle avait conservé les mêmes garanties. " Le TGI condamne donc l'UAP à restituer les 6 664 F de prime payée. Par ailleurs, bien que Sandra H. ait récupéré sa voiture, le TGI lui accorde 15 000 F de dommages-intérêts. " Faute d'indemnisation avant que son véhicule fût retrouvé au bout de six mois, elle avait subi un préjudice de privation de véhicule de remplacement ", motive le tribunal.
Le vol, un élément essentiel
L'agent et Axa assurances interjettent appel. Ils ajoutent à leurs prétentions initiales que la lettre de transmission des conditions générales à la souscriptrice ne pouvait être produite aux débats " en raison de son caractère automatisé et typé " et que la liste des garanties figurait dans les conditions particulières. Mais les appelants sont incapables de prouver l'envoi de ces conditions particulières, rétorque Sandra H., " et, a fortiori, que l'envoi contenait à la fois le contrat et la quittance du paiement de la prime semestrielle ". L'augmentation de la prime a été très substantielle, poursuit l'assurée, " à la limite de ses moyens pécuniaires ", et elle pouvait légitimement penser qu'il n'y avait pas de diminution de garanties. Si elle l'avait su, elle n'aurait pas contracté. En fait, réaffirme-t-elle, l'agent et la compagnie ont sciemment gardé le silence sur cet élément essentiel du contrat afin de provoquer son erreur. Ce qui constitue un dol au sens de l'article 1116 du Code civil. Dans un arrêt du 4 décembre 2001, la cour d'appel de Paris confirme en tous points le jugement de première instance, y compris ses sanctions. D'abord l'agent général n'a pas à être mis hors de cause : il " se voit reprocher des fautes à caractère personnel de nature à engager sa responsabilité propre, indépendamment de celle de la compagnie ". Puis la cour poursuit sur le fond de l'affaire : aucune pièce signée des parties ne peut donner à penser que Sandra H. ait été informée du retranchement de la garantie vol, élément essentiel d'un contrat d'adhésion souscrit par un profane auprès d'un professionnel ; dans de telles conditions, le retrait d'une garantie constituant un avantage important pour l'assureur et la perte d'une grande partie de l'intérêt du contrat pour le souscripteur ; le double silence de l'agent et de la compagnie. Il y a bien eu " une réticence dolosive et une manoeuvre subreptice destinée à induire en erreur la cliente sur un élément essentiel du contrat ".
(CA Paris, 7e ch., section A, 4 décembre 2001 ; RG 1998/26267.)
DU DOL ET DES MANOEUVRES
L'assureur et son agent argumentent que le dol ne se présume pas et doit, de plus, être intentionnel. " S'il est vrai que le dol doit être prouvé, notamment dans son caractère intentionnel, il n'en demeure pas moins que, de jurisprudence constante, le silence que l'un des contractants garde sur les éléments déterminants du contrat peut constituer un dol au sens de l'article 1116 du Code civil, [et cette règle s'applique] de plus belle lorsque le contractant traitant est un professionnel qui fait souscrire à un profane un contrat d'adhésion ", lance la cour d'appel de Paris. Ce texte pose que le dol est une cause de nullité du contrat lorsque les manoeuvres pratiquées sont telles qu'il est évident que le cocontractant ne se serait pas engagé. C'est le cas en l'espèce. Après la police initiale, qui couvrait le vol et a été résiliée pour des sinistres autres, l'UAP proposait un contrat de sinistre aggravé moyennant une prime d'un montant si élevé que l'assurée a dû négocier son fractionnement. Elle pouvait légitimement penser que cette très forte augmentation correspondait à un malus, sans supposer le retrait d'une garantie qui ne lui était pas reprochée. " Il est évident que la bénéficiaire, qui a eu du mal à faire face à cette augmentation, n'aurait pas contracté s'il lui avait été annoncé [en plus] la suppression d'une garantie revêtant un caractère essentiel en matière d'assurance auto, et constituant pour l'assureur une augmentation supplémentaire et déguisée du coût du contrat ", analyse la cour.
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