Le variable des collaborateurs d'agences, un enjeu majeur

À l’instar de tous les distributeurs d’assurances, les agents généraux doivent se pencher sur la façon dont ils déterminent la rémunération variable de leur personnel. Un exercice qui n’est pas sans périls pour des structures dont la taille est modeste.

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Au 1er octobre 2018, les rémunérations variables des salariés ne seront pas interdites par l’effet de l’application de la directive sur la distribu­tion d’assurances (DDA). Cependant, la directive impose à l’employeur, l’agent général d’assurance ici, de ne pas payer ses collaborateurs au détriment de l’intérêt du client, pierre angulaire de la nouvelle réglementation. En effet, le nouvel article L. 521-1, III du code des assurances précise : « Les distributeurs de produits d’assurance [...] ne rémunèrent pas ni n’évaluent les performances de leur personnel d’une façon qui contrevienne à leur obligation d’agir au mieux des intérêts du souscripteur ou de l’adhérent. Un distributeur de produits d’assurance ne prend en particulier aucune disposition sous forme de rémunération, d’objectifs de vente ou autre qui pourrait l’encourager ou encou­rager son personnel à recomman­der un produit d’assurance particulier à un souscrip­teur éventuel ou à un adhérent éventuel alors que ce distributeur pourrait proposer un autre produit d’assurance correspondant mieux aux exigences et aux besoins du souscripteur éventuel ou de l’adhérent éventuel. »

En matière de produits d’investissement fondés sur l’assurance (PIA) (1), critère supplémentaire, il faut aussi considérer l’impact de la rémunération sur la qualité de service au client.

De là découle le principe selon lequel la rémunération ne doit pas être fondée uniquement sur des critè­res commer­ciaux quantitatifs. Le fait de rémunérer, par exemple, XX € par contrat santé souscrit puis augmenter la commission à YYY € à compter du dixième contrat semble ne pas être en totale conformité avec la DDA, en raison de l’effet de seuil qui pourrait placer l’intérêt du client au second plan...

à retenir

Dans le cadre de la DDA, l’agent général employeur doit :

  • Analyser les contrats de ses collaborateurs ;
  • Identifier les modes de rémunération potentiellement non conformes à l’intérêt du client ;
  • Proposer des suivis de la qualité des actes de commercialisation (ex : satisfaction client, suivi des réclamations, taux de résiliation...) et prévoir des modifications en conséquence.

Les exigences en vie

La question se fait beaucoup plus sensible en matière de PIA… Intégrer un critère qualitatif à une rémunération variable purement quantitative répondrait donc à l’objectif de protection de l’intérêt du client, d’autant plus lorsqu’il s’agit de PIA. Dans ce cas, la grille de lecture fournie par le règlement délégué du 21 septembre 2017, notamment sur le traitement des « incitations », est à prendre en considération. Ce texte dresse une liste « non exhaustive » de critères. À l’échelle de l’agent on retiendra :

- de ne pas verser la totalité de la commis­sion ou de la prime au mo­ment de la conclusion du contrat d’assurance. Le versement devrait être lissé sur l’ensemble de la durée de vie du contrat, avec le paiement de la commis­sion en plusieurs fois par exemple ;

- de ne pas verser de sommes de manière anticipée – notamment les avances sur commissions – à moins de prévoir une restitution de la somme en cas de chute brutale des contrats ;

- de ne pas conditionner la vente d’un produit ou d’une ristourne à l’achat d’un autre produit (du type, par exemple, une assurance décès avec une assurance vie) ;

- de prévoir une reprise sur commission en cas de résiliation du contrat par le client au cours des premières années (en cas de constat d’un taux important de résiliation manifestement précoce) ;

- de faire attention à la mise en place des challenges, systèmes de récompen­ses (bons cadeaux, voyage….), de parrainage, d’avantages liés au taux d’équipement ;

- de vérifier l’assiduité des salariés aux formations (2).

  • 24 700 : le nombre de collaborateurs salariés des agents généraux, répartis dans 7 680 agences 
  • 2,2 : le nombre de collaborateurs salariés employés en moyenne par un agent général

Principe de proportionnalité

Autant de critères à mettre en œuvre avec prudence et sens de la mesure au regard du principe de proportionnalité qui commande une application adaptée aux structures (lire l’encadré). Tendre au respect de ces critères suppose une analyse des besoins de l’agent en amont. Il s’agit d’instaurer des méthodes de calcul de rémunération variable permettant d’éviter les dérapages découlant du commissionnement ou des primes.

Les accords d’intéressement, par nature collectifs, prévus dans le cadre d’une épargne salariale, ne sont pas soumis à la DDA. En revanche, les autres accords liés à des objectifs purement quantitatifs le sont. Des primes qualitatives peuvent être égale­ment versées pour récompenser la démarche de conseil aux clients, le bon remplissage de l’outil CRM (logiciel de gestion de la relation client) de données des clients, la satisfaction des clients et le respect réglementaire par exemple. établir des primes sur objectif pour une « famille de produits » est une piste de solution intéressante.

Le principe de proportionnalité

Le principe de proportionnalité devrait conduire à ce que les nouvelles dispositions législatives, notamment concernant la rémunération des collaborateurs, ne déstabilisent pas l’équilibre de l’activité des agents généraux. Le considérant 72 de la directive dispose que la DD A « ne devrait pas représenter une charge trop lourde pour les distributeurs de produits d’assurance et de réassurance de petite et de moyenne taille. La réalisation de cet objectif passe notamment par une application adéquate du principe de proportionnalité. »

Droit du travail et droit des assurances

La DDA est-elle une norme supérieure aux règles du code du travail ? Il n’est pas simple de faire coexister deux normes juridiques dans des domaines différents. L’intérêt du consommateur assuré (client) est-il supérieur à l’intérêt du salarié ?

En effet, un salarié ayant des fonctions commerciales est motivé par le versement d’une rémunération variable liée à des objectifs quantitatifs. Celle-ci constitue un revenu supplé­mentaire augmentant plus rapidement que le salaire de base. Les consommateurs sont aussi en droit d’obtenir un produit d’assurance conforme à leur intérêt.

À la lecture des textes, il est suggéré de faire évoluer les contrats de travail dès le 1er octobre 2018. Il est proposé, à cette date, que soit intégrée la notion d’intérêt du client dans le contrat de travail, notamment au niveau de la rémunération variable. Par exemple : « les objectifs définis dans le contrat devront être réalisés dans le respect perma­nent de l’intérêt du client. Les exigences et besoins du client sont prioritaires. » Des difficultés peuvent se poser pour les contrats en cours. Les nouvelles dispositions n’ont pas pris en compte les règles relatives au droit du travail interdisant de modifier la structure de la rémunération sans l’accord des salariés, même si le système proposé est plus favorable aux salariés.

Le contrat de travail constitue la base de la relation entre l’employeur et le salarié. Ainsi, il ne peut être modifié que d’un commun accord entre les deux parties (Cass. Soc. 8 janvier 2002, n° 99.44.467). Par conséquent, pour tout contrat antérieur au 1er octobre 2018, l’agent devra proposer un avenant au salarié et obtenir l’accord exprès de celui-ci sur les modifications de son contrat de travail. Certains salariés peuvent se montrer méfiants à l’égard de la proposition de leur employeur de modifier la structure de leur rémunération sous couvert de l’application de la DDA, et donc refuser de signer l’avenant. Dans cette situation délicate, sanctionner le salarié n’est pas une solution car ce n’est légalement pas possible. Le refus d’une modification du contrat de travail n’est pas un motif de sanction. Un salarié sanctionné pour de tels faits pourrait saisir le conseil de prud’hommes et obtenir réparation du préjudice subi.

L’agent doit user de pédagogie, par exemple, en invitant en réunion l’ensem­ble de ses collaborateurs pour leur expliquer le texte et son intérêt. Tenter d’obtenir l’accord du salarié peut aussi passer par une réflexion sur la relation de travail avec le collabo­rateur. En effet, des avantages sans primes sont possibles : souplesse des horaires, télétravail, conciliation entre vie de famille et vie professionnel­le…

Outre le contrat de travail, les entretiens annuels sont aussi touchés par la DDA. En effet, il est nécessaire d’évaluer les compétences des salariés en fonction de critères qualitatifs et non seulement quantitatifs. L’évaluation de l’entretien peut porter sur le respect de la réglementation, sur la satisfaction client, sur la résolu­tion des réclamations…

En conclusion, il ne va pas être aisé de concilier l’intérêt du client et celui du salarié commercial qui reste attaché aux primes liées aux objectifs quantitatifs. Pour aider ses adhérents, Agéa met à leur disposition, en plus de conseils individualisés, des modèles de contrats, de grille d’analyse de la politique de rémunération permettant de se mettre rapidement en conformité avec la DDA et des modèles d’entretien annuel.

Article rédigé par Anne-Marie Azannadje, responsable coordination équipe juridique et juriste en droit social au sein d'Agéa et Emmanuelle Jacquot, juriste en droit social, au sein d'Agéa.

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