LES COMMERÇANTS, RESPONSABLES DES OBJETS MAL EXPOSÉSNouvelle source de responsabilité des distributeurs relative à la sécurité de leurs clients : la présentation des objets lourds en magasin. Pour la première fois, un exploitant est condamné.
\ 00h00
LES COMMERÇANTS, RESPONSABLES DES OBJETS MAL EXPOSÉS
Nouvelle source de responsabilité des distributeurs relative à la sécurité de leurs clients : la présentation des objets lourds en magasin. Pour la première fois, un exploitant est condamné.
Le 19 septembre 1999, une famille se rend au Jardiland de Barjouville (près de Chartres). Amaury, 3 ans et demi, est attiré par une fontaine en pierre vendue dans le " Jardin aux fleurs " de la grande surface. Elle est surmontée d'un fronton décoré d'une tête de lion. Amaury saute sur le rebord du bassin pour l'attraper et c'est l'accident. La fontaine s'écroule sur l'enfant qui succombe deux jours plus tard à ses blessures.
Absence de faute de surveillance
Les parents souhaitent que leur expérience serve d'exemple, d'autant plus qu'ils apprennent l'existence de deux autres saisines de la Commission de sécurité des consommateurs : dans la même jardinerie, vingt jours plus tôt, le même genre d'objet s'affalait sur l'orteil d'un enfant de 8 ans et, en 1997, une mère de famille y repoussait un candélabre non fixé au sol qui s'abattait sur sa poussette. À titre personnel et en qualité de représentants de leur second fils mineur, les parents assignent la SNC Bordet (exploitant le Jardiland) et son assureur, Axa assurances, devant le tribunal de grande instance (TGI) de Paris. Ils demandent réparation sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1 du code civil, à savoir la responsabilité du distributeur, gardien de l'objet. Le 22 janvier 2002, le TGI condamne pour la première fois un distributeur pour sa mauvaise présentation en magasin d'objets lourds. Le procès-verbal d'enquête révèle que " l'accident a été causé par le basculement, sous l'effet de l'action de l'enfant, [de la fontaine] dans une surface à libre circulation pour la clientèle et disposée au sol contre une cloison, aisément accessible au public comme directement installée en bord d'allée et dont un seul câble, de type câble à vélo, enserrait les trois éléments supérieurs, posés sur la partie arrière du bassin et prenant appui contre une paroi vitrée, sans aucun dispositif d'attache à un point fixe ". Après avoir rappelé qu'on est responsable du dommage causé par les choses dont on a la garde, le TGI juge que la fontaine a joué un rôle actif dans la réalisation du dommage, " par son emplacement et l'absence de fixation des éléments la composant ". Le lien de cause à effet entre le préjudice et l'objet est établi. Puis le TGI écarte l'une après l'autre les causes extérieures qui auraient pu exonérer partiellement ou totalement le distributeur, présumé fautif. Pas de faute de la jeune victime : " Le fait pour un enfant de sauter sur le rebord du bassin de la fontaine pour attraper la tête du lion, motif de l'ornement du fronton central, manifestement attrayant, directement à sa portée et à sa hauteur, sans danger apparent ou signalé, ne présente pas de caractère fautif, motive le TGI, pas plus qu'il ne constitue pour le distributeur un événement imprévisible et irrésistible. " Les juges écartent encore la faute des parents, grâce à trois éléments. D'abord, les surfaces de vente ne sont pas, par nature, des lieux dangereux nécessitant une surveillance rapprochée des parents sur leurs enfants. Ensuite, il incombe à l'exploitant, notamment en cas d'exposition d'objets lourds et volumineux, de prendre toutes les mesures pour assurer la sécurité de la clientèle, dont l'attention est retenue par les produits en vente et la vigilance, de ce fait, amoindrie. Enfin, assène le TGI, la fontaine installée en bordure d'allée, " sans fixation, ni système de protection, présentait manifestement un danger non signalé pour les clients et pour les parents d'Amaury, auxquels il ne saurait, dès lors, être reproché un défaut de surveillance à l'origine du dommage subi par leur enfant ".
Sentiment de culpabilité non réparable
Le distributeur ne justifie d'aucune des causes d'exonération qui auraient pu alléger sa responsabilité. Le TGI le condamne à réparer l'intégralité du préjudice subi à la suite de l'accident, et Axa assurances à le garantir. Les juges du fond évaluent alors le montant de la réparation dû à la famille à 69 352,5 €. Au vu du certificat médical décrivant les blessures de l'enfant, les souffrances endurées jusqu'au décès sont estimées à 1 524,5 €. Le préjudice moral de la famille, " incontestable et important, sera réparé, conformément à la jurisprudence ", par la somme de 22 867 € pour chacun des parents et de 18 294 € à leur second fils. La condamnation comprend encore 3 800 € de frais d'obsèques. Mais les parents n'obtiendront rien pour avoir déménagé, ni pour compenser le sentiment de culpabilité qu'ils éprouvent. " Seuls les préjudices résultant directement de l'accident ayant occasionné le décès peuvent donner lieu à réparation ", explique le TGI. La CPAM d'Eure-et-Loir récupère, outre une indemnité forfaitaire de 762€, les 2 182 € de prestations versées pour le compte de la victime à la suite de l'accident, avec intérêts de droits à compter du 16 juin 2000. Sylvie Gobert
(Tribunal de grande instance de Paris du 22 janvier 2002.)
L'ALERTE DE LA COMMISSION DE SÉCURITÉ DES CONSOMMATEURS
Un quatrième accident au Castorama d'Aytre (en Charente) - au cours duquel un enfant décède à la suite de la chute des 20 dalles de bois aggloméré déposées par son père dans un chariot - fait l'objet d'une saisine de la commission de sécurité des consommateurs (CSC) en 2000. Des événements qui la motivent à rendre un avis, le 7 février 2001 (BOCCRF du 31 mars 2001), sur les exigences de sécurité pour les clients et le personnel liées à l'exposition et à la manutention des objets lourds en magasin. Outre des données statistiques (recensant par type de magasin et, pour certaines enseignes, les accidents survenus entre 1986 et 1999), l'avis étudie les réponses des professionnels. La CSC préconise diverses mesures : des dispositifs de présentation antichute fournis avec les produits, du personnel affecté à la manipulation des objets lourds ou encombrants, la désignation d'un responsable national sécurité par enseigne, des chariots adaptés. Son avis rappelle que, selon la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, outre les actions en responsabilités civile et pénale classiques, l'article L 221-1 du code de la consommation concerne la sécurité des produits vendus, leur conditionnement... et leurs conditions d'exposition.
Base des organismes d'assurance
AbonnésRetrouvez les informations complètes, les risques couverts et les dirigeants de plus de 850 organismes d’assurance
Je consulte la base