PAS DE FAUTE DE L'ASSUREUR QUI RÉSILIE POUR SINISTREUne lettre de la compagnie adressée à son assuré, promoteur immobilier, ne l'engage pas vis-à-vis des acquéreurs d'appartements, clients de ce dernier.
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PAS DE FAUTE DE L'ASSUREUR QUI RÉSILIE POUR SINISTRE
Une lettre de la compagnie adressée à son assuré, promoteur immobilier, ne l'engage pas vis-à-vis des acquéreurs d'appartements, clients de ce dernier.
La SARL First Management System réalise en 1988-1989 un programme immobilier de 116 appartements, vendus en l'état futur d'achè- vement, dans l'île de Saint-Martin en Guadeloupe. Ce programme ouvre aux acquéreurs le bénéfice de défiscalisation autorisée par la loi dite Pons. Jusqu'au 31 décembre 1996, ils peuvent y prétendre, si leur achat porte sur un immeuble neuf affecté à l'habitation principale, ou s'il est loué, non meublé, à une personne le destinant elle-même à son habitation principale. Le promoteur (depuis lors en liquidation) offre de plus à chaque futur propriétaire la garantie, pour une durée maximale de cinq ans, d'un loyer révisable contre la délivrance à son nom d'un mandat irrévocable de gestion locative, de même durée. Afin de se couvrir contre le risque financier découlant de cette prestation, il s'assure, pour une durée de cinq ans auprès des Mutuelles du Mans assurances (aujourd'hui MMA), le 8 septembre 1988.
Des propriétaires insatisfaits se pourvoient en cassation
Mais le projet ne se déroule pas comme prévu, la plupart des appartements ne sont pas loués au cours de la période quinquennale de référence. Le promoteur honore alors ses engagements vis-à-vis des propriétaires jusqu'au 21 mars 1992, et appelle lui-même en garantie son assureur. Qui le dédommage pendant un an puis, actionnant l'article 12 de ses conditions générales, résilie le contrat après sinistre. Le 5 février 1993, First Management saisit le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence. Cette société a aussi souscrit auprès de l'assureur une " responsabilité civile promoteur " et, sur ce fondement, elle demande la mise en jeu de cette RC de l'assureur. Dans son sillage, une kyrielle de propriétaires interviennent dans la procédure. Ils réclament la mise en jeu de la RC de leur promoteur, et plaident la responsabilité quasi délictuelle de MMA " pour les avoir induits en erreur sur la pérennité de la garantie financière des loyers ". Insatisfaits et tenaces, 35 propriétaires se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 18 juin 1998 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, qui les déboute de leurs demandes contre l'assureur. Les juges du fond ont tranché que MMA n'avait pas commis de faute personnelle en les induisant en erreur sur la durée de garantie des loyers, lancent les propriétaires déçus. Pourtant, dans sa lettre du 1er mars 1988 relative à la garantie des loyers " sur l'opération les Portes Saint-Martin ", l'assureur confirmait que First Management serait en mesure de remplir son engagement de garantie. Cette lettre émane de l'assureur, poursuivent-ils, il ne pouvait ignorer l'usage qui en serait fait auprès des acquéreurs. Elle impliquait nécessairement la couverture du risque par l'assureur et était de nature à induire en erreur les futurs propriétaires dans la certitude erronée que la garantie leur était acquise pendant cinq ans. C'est pourquoi, plaident les copropriétaires, la cour d'appel en ne retenant pas l'imprudence fautive de MMA, " a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 1382 du code civil ". Ce texte précisant que quiconque cause un dommage à autrui oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer. De son coté, l'assureur plaide sa mise hors de cause.
Le courrier jugé imprécis n'engage pas l'assureur
Dans son arrêt du 19 février 2002, la 1re chambre civile de la Cour de cassation ne suit pas les arguments des demandeurs. En effet, pose-t-elle, la cour d'appel a relevé que la lettre litigieuse du 1er mars 1988 est adressée par l'assureur à First Management et non aux acquéreurs, et ne contient aucun engagement à l'égard de ces derniers. De surcroît, les juges du fond motivent que ce courrier est imprécis quant aux engagements de MMA à l'égard de sa cliente. Il mentionne d'ailleurs que des renseignements complémentaires peuvent être demandés à un correspondant, en indiquant ses coordonnées. Dès lors, retient la Cour de cassation, les juges du fond ont " pu en déduire, non seulement que les acquéreurs ne pouvaient se prévaloir de cette lettre, mais encore qu'ils ne pouvaient établir qu'elle avait été rédigée pour les besoins de la cause, dans le but de les tromper et de les inciter à contracter ". La Cour rejette ce moyen du pourvoi : la responsabilité quasi délictuelle de l'assureur ne peut être engagée sur ce point.
(Cass., 1re ch. civile, 19-02-2002, arrêt n° 316 FS-P, " L'Argus " du 26 avril 2002, p. 44).
UN PRÉJUDICE FISCAL DU FAIT DU PROMOTEUR
MMA n'en est pas encore quitte pour l'instant. L'assurance responsabilité civile du promoteur pourrait bien être ouverte à l'égard des acquéreurs et ces derniers obtenir gain de cause contre l'assureur, quant au volet fiscal de l'affaire cette fois. En effet, sur le terrain du bénéfice de défiscalisation accordé par la loi Pons, et pour juger qu'au contraire First Management n'avait pas commis de faute de nature à enclencher la garantie RC de la MMA, la cour d'appel énonce que le notaire de Saint-Martin précisait que le bénéfice de la défiscalisation était soumis à la condition d'une occupation effective des appartements, dans un document établi à la demande du promoteur, présenté comme une interview et communiqué aux acquéreurs potentiels. Mais, juge la cour de cassation, la cour d'appel statue ainsi alors qu'elle constate d'une part, que la possibilité de défiscalisation était l'unique cause ayant amené les acquéreurs à contracter avec le promoteur, et d'autre part, qu'aucun des documents communiqués ne précisait que le bénéfice de défiscalisation était soumis à la condition d'une occupation effective des appartements acquis. Puisque les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et qu'elles doivent être exécutées de bonne foi, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil qui édicte cette règle, en déduit la Cour de cassation. L'arrêt de la cour d'Aix-en-Provence est donc partiellement cassé et annulé, pour avoir débouté les propriétaires " de leurs demandes tendant à la réparation du préjudice fiscal qu'ils ont subi du fait de la société First Management ". L'affaire est renvoyée, pour être à nouveau tranchée sur point précis, devant la cour d'appel de Nîmes.
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