Pas de surtransposition, mais des nuances à surveiller !

Le 17 mai, le gouvernement français a publié son ordonnance (1) de transposition de la directive sur la distribution d’assurances (2) (DDA). Bien que celle-ci n’ait pas fait l’objet d’une surtransposition en droit français, les distributeurs devront redoubler de vigilance dans sa mise en œuvre. Les explications d'Alexandre Regniault et Emilien Bernard-Alzias, avocats au sein du cabinet Simmons & Simmons. 

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Pas de surtransposition, mais des nuances à surveiller !
Le siège de la Commission européenne à Bruxelles.

Le premier décret d’application est paru le 3 juin 2018 au Journal officiel (3) tandis que pas moins de deux règlements délégués, un règlement d’exécution et deux publications de l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (EIOPA) viennent déjà complé­ter la directive. Pour mémoire, la DDA instaure ou renforce cinq obligations majeures pour l’industrie de la distribution d’assurances : la gouvernance produit, concept issu directement de la seconde directive sur les marchés d’instruments financiers (MiFid2) publiée deux ans plus tôt. Elle impo­se de concevoir et de distribuer des produits d’assurance adaptés à un marché cible pré-identifié ; le devoir de conseil, formalisation d’une obligation jusqu’à présent essentiellement jurisprudentielle en France. Elle s’accompagne d’une véritable innovation en instaurant une obligation d’élaboration et de remise d’un document d’information sur les produits d’assurance non-vie (les produits d’assurance vie étant déjà couverts par le règlement PRIIPs) ; l’obligation d’information, une rationalisation des obligations préexistantes ; la compétence professionnelle, dont le champ d’application est étendu au personnel d’entreprises d’assurance ; et la gestion des conflits d’intérêts, notamment en matière de rémunération et relativement aux produits d’investissement fondés sur l’assurance (en France, essentiellement les contrats d’assurance vie ou de capitalisation en unités de compte).

à retenir

la DDA formalise le devoir de conseil, rationalise des obligations préexistantes, étend le champ d’application des compétences professionnelles et renforce la gouvernance produit et la gestion des conflits d’intérêts.

Pas de bouleversement

Bien que plusieurs projets d’ordonnance aient déjà circulé parmi les professionnels, la publication de l’ordonnance finale a suscité de nombreux commentaires satisfaits, voire rassurés, constatant l’absence de surtransposition de la DDA par les pouvoirs publics. S’il est vrai que le texte reprend dans sa grande majorité celui de la directive, de légères adaptations de langage pourraient avoir d’importantes conséquences pratiques pour les professionnels du secteur. Les distributeurs européens intervenant en France par voie de libre prestation de services (LPS) ou au moyen d’une succursale – en vertu du passeport européen – devront également faire preuve de vigilance afin d’adapter leur pratique, pourtant fondée sur la directive, aux spécificités françaises. Parmi ces différences, dont l’avenir dira quelle est leur réelle importance pratique, on peut notamment relever les points suivants :

- Disparition de la notion de consommateur. La DDA limite le champ d’application de nombreuses obligations qu’elle instaure aux relations des distributeurs d’assurances avec les « consommateurs ». L’ordon­nance de transposition ne fait quant à elle jamais cette distinction, mais vise les « souscripteurs ou adhérents » d’une manière générale. Ainsi, en France, le souscripteur ou l’adhérent, même une personne morale, souscrivant un contrat d’assu­rance dans le cadre de son activité professionnelle, devrait bénéficier des mêmes protections que les consommateurs.

- Contrôle plus strict des intermédiaires européens. La nouvelle réglementation sanctionne les intermédiaires européens auteurs de « manquements persistant à leurs obli­gations » sur leur territoire d’accueil. La DDA ne qualifie de « manquement persistant » d’un intermédiaire agissant en vertu du passeport européen que les agissements clairement préjudiciables « à grande échelle » aux intérêts des « consommateurs ». Or la transposition française omet cette notion de préjudice à grande échelle et vise tout souscripteur ou adhérent, indépendamment de leur qualification de consommateur. Ainsi, les agissements d’un intermédiaire exerçant en France en vertu d’un passeport européen seront appréciés plus sévèrement que ceux de ses homologues français agissant hors de France.

- Des sanctions plus légères dans l’Hexagone. Le droit français est plus mesuré vis-à-vis des intermédiaires européens et se contente, afin de sanctionner les irrégularités commi­ses en France, d’interdire la « distribution de nouveaux contrats » en France. Alors que la DDA permet d’interdire l’« exercice de nouvelles activités » sur le territoire concerné. Ainsi, la gestion de contrats existants, voire la reprise d’un portefeuille d’un autre intermédiaire, semble permise à l’intermédiaire européen ainsi sanctionné. Cette sévérité réapparaît toutefois si un distributeur (et plus uniquement l’intermédiaire cette fois-ci (4)) agit depuis l’étranger uniquement afin de contourner le droit national, et que ses activités compromettent gravement le bon fonctionnement des marchés de l’assurance et de la réassurance en France.

- Intermédiaire indépendant contraint à une obligation de moyen renforcée. Si la DDA impose à l’intermédiaire qui se prévaut d’un service de recommandation fondé sur « une analyse impartiale et personnalisée » de recommander à son client un contrat « adapté » à ses besoins, la transposition française lui impose de recommander le ou les contrats « les plus adaptés » à ses besoins. L’emploi du superlatif « les plus » réduit la marge de manœuvre de l’intermédiaire indépendant qui devra classer les contrats analysés du plus au moins adapté, afin d’être en mesure de conseiller le meilleur d’entre eux à son client. Une transposition stricte de la DDA lui permettrait de regrouper les contrats en deux catégories, adaptés et inadaptés, et de proposer à ses clients ceux appartenant à la première.

- Mise à jour systématique des informations précontractuelles communiquées par les entreprises d’assurance. Le droit français impose aux entreprises d’assurance une information systématique du souscripteur ou de l’adhérent lorsque l’une des informations communiquées avant la conclusion d’un contrat d’assurance (c’est-à-dire l’identité de l’entreprise d’assurance, son adresse, sa qualité d’entreprise d’assurance, ses procédures de réclamation, la nature de la rémunération de son personnel au titre de la distribution du contrat et le recours à un processus de médiation) est modifiée postérieurement à la conclusion du contrat. La DDA ne l’exige que si le client de l’entreprise d’assurance se voit imposer des paiements autres que ceux initialement convenus. Dès lors, les entreprises d’assurance françaises doivent se tenir prêtes à notifier tous leurs souscripteurs dès que l’une des informations précitées est modifiée.

- Connaissances et expériences du client. Alors que la DDA et le règlement 2017/2359 n’imposent aux distributeurs de produits d’investissement fondés sur l’assurance que de s’enquérir des connaissances et expériences de leurs clients « dans le domaine d’investissement dont relève le type spécifique de produit ou de service » conseillé, l’ordonnance élargit cette obligation aux connaissances et expériences du client « en matière financière ». Les questionnaires élabo­rés par les distributeurs français seront donc bien plus larges et détaillés que ceux de leurs homologues européens.

- Contrats conclus à distance. Lors­qu’un contrat concernant un produit d’investissement fondé sur l’assurance est conclu à distance, la DDA conditionne la possibilité de transmettre la déclaration d’adéquation postérieurement à la conclusion du contrat au consentement du client et à l’offre préalable qui doit lui être faite de retarder la conclusion du contrat. Or l’ordonnance de transposition est muette sur ce point et les règles édictées par le code de la consommation ne traitent pas de cette recommandation. Il semble donc que le distributeur français soit contraint de fournir cette déclaration coûte que coûte avant la conclusion du contrat d’assurance, même à distance.

à noter

S’agissant des intermédiaires européens, le texte français prévoit un contrôle plus strict et des sanctions plus modérées que celui de la directive.

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